Le marché du lait ne tourne pas rond
La crise du lait préfigure les crises agricoles de demain
Début 2008, lorsque le prix du lait atteignait presque des records après plusieurs années de marasme, les éleveurs gagnaient 8 centimes par litre. Aujourd’hui, ils perdent 5 centimes par litre, 30.000 euros par vache sur un an. La situation est intenable. Comment en est-on arrivé là ?
Voilà plusieurs années que l’UE multiplie les signaux défavorables aux éleveurs français. Depuis la réforme de
Deuxième signal : l’abandon en 2013 des quotas laitiers, qui préservent les productions dans des régions défavorisées et les petits élevages, a été confirmé par le bilan de santé de
L’Etat est également très embarrassé. Hier, du temps de
Troisième facteur, la crise impacte beaucoup le prix du lait. Il serait tentant d’accuser la grande distribution, qui a l’impudence de se parer des vertus du commerce équitable au loin et d’humilier les producteurs locaux en leur imposant des prix d’asphyxie. Mais la crise entraîne des changements de consommation avec un recul des achats des produits chers (fromages de table et yaourts) et un arbitrage vers les premiers prix des produits de base, le lait, que les distributeurs vendent de plus en plus sous leur propre marque et pratiquement sans marge. La seule façon de baisser les prix de vente est de baisser le prix d’achat au producteur. Les producteurs font donc les frais de la compétition entre distributeurs.
Enfin, l’organisation du marché présente quelques faiblesses. La révolte des producteurs est compréhensible. Aux prix actuels, leur survie est en jeu. Ils ont le sentiment d’être abandonnés, trompés et condamnés. Mais ont-ils choisi la bonne méthode, les bons combats ?
Le retour à
Il faut aussi reconnaître que certains Etats s’en sortent mieux que d’autres. En Allemagne par exemple, la réactivité des éleveurs est meilleure car les prix s’ajustent immédiatement au marché. Pour simplifier, le prix du lait, national, est lié au prix de la poudre de lait, international, les variations de prix sont donc immédiates, sans décalage comme en France.
Il faut inventer de nouveaux modes de commercialisation et de négociation. Les ventes directes par des camions distributeurs, encore anecdotiques, peuvent régler des situations locales tendues. À condition que le producteur audacieux ne soit pas mis sur la liste noire des fournisseurs des centrales d’achat ! Mais les améliorations doivent être surtout cherchées dans la négociation des prix. La contractualisation peut prendre le relai des quotas. Pourquoi les éleveurs ne pèseraient-ils pas plus sur le marché ? Le secteur compte 100.000 éleveurs, quelques centaines de coopératives face à quelques industriels et une poignée de centrales d’achat. La négociation est par trop déséquilibrée.
Le lait n’est que le premier secteur touché. Il y a tout lieu de penser que cette crise préfigure les crises agricoles qui, secteur après secteur, ne manqueront pas de survenir pendant les deux prochaines années. Il en sera ainsi tant que
Mots clés : lait , prix du lait, quotas laitiers, régulation
Source : les échos 26 mai 2009
Date : 04/08/2009
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A propos
Parce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.