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Remboursement des aides agricoles: un pépin à 500 millions

 

Remboursement des aides agricoles : un pépin à 500 millions d’euros

 

 

La Commission européenne demande le remboursement de 500 millions d’euros d’aides indument perçues par les agriculteurs français de la filière fruits et légumes. L’affaire est embarrassante mais pas pour les raisons que l’on croît d’ordinaire.

 

Le remboursement d’aides indues est une constante de la procédure budgétaire européenne. Les aides agricoles européennes sont versées en trois temps : elles sont avancées par l’Etat membre puis remboursées par la Commission, avant d’être clôturées après contrôle. L’apurement des comptes peut faire apparaître des fraudes caractérisées, des irrégularités, mais surtout des défaillances dans les systèmes de contrôle nationaux, laissant supposer que des erreurs ont pu être commises sans avoir été décelées. Chaque année, la Commission demande le remboursement d’aides et la France, qui reçoit environ 10 milliards de subventions agricoles européennes, reverse en moyenne 100 millions d’euros (avec un pic à 230 millions en 2000) dont une grande partie au titre de la filière fruits et légumes, secteur éclaté en milliers de producteurs. La Grèce, l’Italie, l’Espagne, tous pays producteurs de fruits et légumes, sont autant soumis que la France à ces remboursements.

 

La Commission contrôle et censure également les aides d’Etat censées fausser la concurrence entre Etats membres. C’est le cas en l’espèce mais, là non plus, ce n’est pas nouveau. En 2004, la Commission avait demandé le remboursement, à l’Etat cette fois, d’une aide publique de 800 millions d’euros accordée à France télécom au titre d’une imposition de taxe professionnelle jugée discriminante. Faute de remboursement, l’affaire prend un tour contentieux. La Commission saisit la Cour de justice des communautés européennes contre l’’Etat qui ne réclamerait pas les sommes indues pour manquement à ses obligations. Mais à l’inverse, l’Etat et les bénéficiaires qui contestent le montant - peut-il en être autrement ?-, peuvent aussi demander l’annulation de la décision de la Commission. L’affaire suit alors une très longue procédure judiciaire.  

 

Qui paiera ? La règle prévue est la récupération auprès du bénéficiaire. Lorsqu’il s’agit de remboursement d’aides européennes, le recouvrement des créances est rare et ne joue que dans les cas de fraude avérée. La plus grande part est prise en charge par le budget national et reversée au budget communautaire en fin d’année. L’ajustement, noyé parmi d’autres mesures rétroactives, passe inaperçu au regard de la contribution totale au budget UE (18,9 milliards). Le remboursement des aides publiques indues est normalement plus simple mais se traduit souvent par une non valeur, une sorte d’abandon de créance après plusieurs années de contentieux. Le remboursement n’est déjà pas simple lorsque le bénéficiaire est unique, mais comment récupérer des subventions accordées il y a cinq à dix ans réparties entre plusieurs milliers de bénéficiaires ? Il faut un minimum de lucidité, surtout en politique.

 

L’affaire est cependant embarrassante. Moins en raison du montant ou du secteur, qu’à cause de quelques maladresses et d’un contexte tendu.

 

En rebaptisant son ministère, ministère de l’alimentation et de l’agriculture, M. Bruno Le Maire avait donné un signal et une orientation très positifs aux agriculteurs et aux citoyens. La Politique agricole commune (PAC) allait s’occuper d’alimentation, c'est-à-dire pas seulement des grandes exploitations céréalières exportatrices ou des betteraviers industriels, mais des producteurs qui font vivre une tradition agricole française, c'est-à-dire des paysans familiers, qu’ils soient éleveurs, arboriculteurs ou légumiers. Pour le citoyen, la PAC cessait d’être un moyen de distribuer des subventions aux agriculteurs mais devenait aussi un moyen de s’occuper de lui. La PAC trouvait une légitimité qu’elle a perdue et une utilité parfois discutée. La PAC ne sera sauvée que si le citoyen pense qu’elle est utile, qu’elle lui est utile. Le secteur des fruits et légumes pouvait devenir un secteur prioritaire de l’offensive d’une nouvelle PAC, plus orientée vers le consommateur. Patatrac, voici les paysans montrés du doigt. L’effet positif de la communication est anéanti par la rigueur du budgétaire qui veut s’attirer les bonnes grâces de la Commission européenne.

 

Y arrivera-t-il seulement ? Quel est l’intérêt, pour la Commission, de sortir cette affaire en ce moment, alors qu’il ne s’agit pas de reversement au budget communautaire ? La sanction européenne, en débat depuis longtemps, sort au plus mauvais moment, à la veille de la renégociation de l’enveloppe de la PAC. Avec cette accusation de « distorsion de concurrence », la Commission met un coin entre la France et l’Espagne, allié potentiel dans la négociation, et montre la France sous son plus mauvais jour : la France est le premier bénéficiaire de la PAC et en plus, elle triche... Telle peut être l’interprétation de quelques uns. Un cadeau pour ceux qui aiguisent leurs armes à l’approche du grand déballage agricole de l’année prochaine. L’affaire dépasse donc le simple (?) remboursement de 500 millions mais est la première amorce – au double sens du terme, comme un début explosif - de la discussion de 50 milliards par an.    


Mots clés : aides irrégulières, fruits et légumes, alimentation
Source : non publié
Date : 05/08/2009

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.