FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

Comment assassiner la PAC ?

 

Comment assassiner la politique agricole commune ?

Normalement, les positions des uns et des autres sur la politique agricole commune (PAC) de l’après 2013 étaient attendues pour 2010, au lancement des négociations sur le budget européen et de la PAC du futur. Mais le dossier brûle depuis trop longtemps. La dernière révolte paysanne a été l’occasion de montrer la force de mobilisation du monde agricole. La Commission n’a pas tardé à répondre en mettant ses armes en batterie. Car tous les observateurs savent que l‘ultime combat s’annonce. L’enjeu : gardera-t-on, demain, un budget annuel de 50 milliards pour la PAC ? La Commission européenne comme quelques Etats membres influents, considèrent qu’il est temps d’en finir avec cette politique jugée archaïque qui a coûté 1000 milliards en 20 ans et ne fait que des mécontents.

Alors, comment en finir ?

Par les prix. L’Europe doit se mettre au prix mondial. Comme pour le textile ou l’acier. Et avec les mêmes conséquences. Sachant que c’est impossible pour la plupart des agriculteurs, la solution est la restructuration qui pousse les agriculteurs à abandonner leur activité pour ne conserver que les plus productifs. Cela conduit à une agriculture hyper spécialisée installée là où les rendements sont les meilleurs et les prix sont compétitifs au plan mondial: le sucre et les betteraves en France, le lait aux Pays Bas, le porc en Allemagne, etc...

Par le budget. La négociation qui s’ouvre offre une opportunité exceptionnelle d’en finir avec la PAC. Jusqu’à présent, le budget de la PAC n’a jamais été vraiment discuté. Lors de la précédente négociation qui s’est conclue en 2005 et qui a servi à établir le cadre financier actuel, l’accord sur la dotation agricole avait été scellé quelques années auparavant dans le cadre de la grande négociation budgétaire sur l’élargissement, entre le président français et le chancelier allemand, puis avait été repris par les Quinze, laissant un goût amer aux plus virulents. La Commission avait pleinement respecté l’accord politique : le budget PAC 2007/2013 avait été fixé au niveau conclu entre les Quinze. Ce ne sera pas le cas cette fois ci. Pour la première fois, le budget de la PAC sera débattu au fond et coupé dans le vif. Il n’y a eu jusqu’à présent que des escarmouches. Aujourd’hui, les crocs sont sortis.

Par le poison. Car il existe une méthode beaucoup plus insidieuse de casser la PAC : en la réformant et en élaborant un système de répartition des aides inique et indéfendable. Depuis 2003, les deux tiers du budget agricole sont affectés à des « droits de paiement unique » accordés à l’hectare, sans lien avec la production. Que l‘agriculteur produise ou non, que les prix soient faibles ou élevés, il « touche » quand même ! Le budget communautaire n’organise pas autre chose qu’un système de rente. Qui peut défendre un tel système ? La PAC a été détruite par ceux la même qui l’ont réformée.

Par les mots. La dernière accusation est de prétendre que la PAC ne présente aucune valeur ajoutée européenne. La première politique totalement communautarisée, qui a permis une restructuration totale du secteur, qui garantit la sécurité alimentaire des Européens, qui a su nouer des solidarités insoupçonnées entre Etats membres, qui offre une panoplie complète d’enjeux - sociaux, environnementaux, culturels , - n’a pas de valeur ajoutée ?!...

Tous ces discours sont infamants. Humiliants pour les agriculteurs et indignes pour tous ceux qui croient à l’Europe. Mais à toute chose malheur est bon. Même si le contexte n’est pas très favorable, il faut dès maintenant penser à la paix en trouvant la voie de réformes consensuelles. A Vingt Sept et en interne...


Mots clés : prix agricoles, budget agricole, avenir de la PAC
Source : Libération 20 novembre 2009
Date : 20/11/2009

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.