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PAC: redonner du sens à une politique qui n'en a plus

De l’agriculture à l’alimentation : donner du sens à une politique qui n’en a plus.
 
 
La stratégie de la France pour défendre la politique agricole commune (PAC) est désormais connue : mettre l’alimentation au cœur de la PAC. Il suffit de rappeler qu’il y a à peine un an, la PAC était présentée comme une boîte à outils pour mesurer le chemin parcouru ou plutôt le changement de direction. La France tente de donner du sens à une politique qui n’en a plus.
 
Réforme après réforme, la PAC a perdu toute légitimité. Elle est de moins en moins politique, Une politique se définit par une stratégie, des objectifs et des moyens pour y parvenir, et non pas le contraire comme c’est le cas aujourd’hui, puisque la PAC est avant tout un budget sans autre stratégie que son démantèlement. Elle est de moins en moins agricole, puisque le développement rural, second pilier de la PAC, est un patchwork mêlant ruralité, environnement, accompagnement social, mais sans lien avec la production agricole. Enfin, elle est de moins en moins commune, puisque le cofinancement s’étend et que les droits de paiements prétendument uniques (DPU) sont en vérité calculés par chaque Etat comme il l’entend.
 
Réforme après réforme, la PAC s’est transformée pour n’être plus qu’une politique d’assistance et de solidarité : les 2/3 des 50 milliards de la PAC sont consacrés à ces DPU, des aides directes aux revenus, des sortes de rentes accordées indépendamment des productions et des prix. Les agriculteurs réclament – avec raison- des prix, pas des primes, mais quand les prix sont hauts, ils touchent les uns et les autres. Alors, DPU ou DPI, droits de paiements iniques ? Confidence d’un élu local : «heureusement que les citoyens ne savent pas comment ça se passe, sinon, cela exploserait ».
 
La PAC a aussi perdu tout soutien. Les agriculteurs n’y croient plus, contraints de défendre un système d’aides sans lesquelles ils ne pourraient vivre, mais qu’au fond, ils abhorrent, les gouvernements sont las de débattre des dotations agricoles, et l’opinion est de plus en plus critique à l’égard des subventions et du mode d’exploitation. En une génération, le paysan nourricier est devenu l’agriculteur pollueur.
 
La PAC n’a plus de sens. La PAC est morte. Vive la PAAC,  politique agricole et alimentaire commune. Sauver la PAC suppose cependant quatre conditions.
 
 La PAC ne sera sauvée que si l’opinion considère qu’elle est utile. Pas seulement profitable aux agriculteurs, utile aux citoyens et aux consommateurs. Il faut donc orienter les soutiens européens vers ce qui les intéresse : l’alimentation. Le citoyen est certainement heureux de savoir que la France est le premier exportateur européen de céréales et de sucre, mais il le sera encore plus si les prix de la viande, du lait, des fruits et légumes sont plus accessibles. En agriculture, il y a des secteurs qui parlent au coeur des citoyens et des soutiens qui vont au porte monnaie des producteurs. Entre les deux, il faut choisir. La priorité alimentaire induit un basculement des soutiens.  
 
Pour que la société adhère à une politique, elle doit être comprise. La PAC est illisible aujourd’hui. A quoi servent les 10 milliards versés chaque année à la France ? Même les agriculteurs ne le savent pas ! Plus le lien entre le produit brut et le produit consommé sera direct, et plus l’aide européenne sera admise. 
 
Cela suppose aussi deux révolutions culturelles. L’Etat doit faire la sienne. L’Etat mène une politique agricole du XIX ° siècle où l’essentiel était de calmer les jacqueries. Plan après plan, l’Etat a cessé de s’occuper d’agriculture pour ne s’intéresser qu’à la paix des campagnes. Il ne peut y avoir de PAC sans vision. « On ne progresse pas avec de petites idées », la formule de l’ancien ministre de l’agriculture, Edgar Pisany, est d’actualité. Le défi public est de faire coexister deux modèles de production, celui qui réussit et celui qui rassure.
 
Les agriculteurs aussi doivent faire la leur. La PAC sera au coeur des débats européens des deux prochaines années. La négociation s’annonce impitoyable. Il leur faut impérativement trouver des alliances et faire des propositions qui ne soient pas des retours en arrière. Certes, les agriculteurs ne ménagent pas leur peine sans être payés en retour, mais le monde agricole doit ouvrir les bras et non pas fermer ses poings. Aujourd’hui, l’agriculteur se pose avant tout comme un producteur de matières premières. Le reste ne le concerne pas. Les agriculteurs ne peuvent demander la solidarité des citoyens - car la PAC c’est aussi cela - s’il n’y a pas de solidarité interne et cette ouverture aux citoyens. Cela fait bien longtemps que l’agriculture a cessé d’être une question seulement agricole. L’orientation vers l’alimentation est une chance que les agriculteurs doivent saisir. Ce sera la dernière.


Mots clés : PAC, DPU, légtitimité de la PAC, soutiens de la PAC
Source : Le Monde 30 janvier 2010
Date : 29/01/2010

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.