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Le pot aux roses du pot de lait

Le pot aux roses du pot de lait
 
 
La nouvelle confrontation entre éleveurs – les laitiers- et fabricants de produits laitiers s’est bien terminée. Dans le calme et dans la raison. L’objet du conflit ? Une fois de plus, le prix du lait. L’origine du conflit, ou plutôt de son rebondissement, était la fixation unilatérale de ce prix par les industriels, sans respecter les termes de l’accord conclu à l’arraché le 3 juin 2009 qui prévoyait une série d’indicateurs devant servir de référence à la fixation du prix : les prix de production, les prix international de la poudre de lait, véritable indicateur de tendance, et le différentiel de prix avec l’Allemagne. Ainsi, alors que l’application du barème donnait 330 € la tonne (33 centimes le litre), les industriels proposaient 310 € seulement. D’où la colère bien compréhensible des éleveurs.
 
Les industriels avançaient l’argument de la compétitivité : le prix en France reste plus cher qu’en Allemagne, et, comme le dit très justement le président de Bongrain: « les fabricants ne peuvent exporter en Europe en payant le lait au prix français ». Le prix négocié – imposé- en 2009 était 15 % plus cher que le prix allemand et il n’était donc pas anormal de rétablir un prix compétitif en augmentant un peu moins que prévu. D’où l’écart entre 330 et 310 €. Mais les vraies raisons étaient ailleurs. Par cette position, les industriels signifiaient aux éleveurs qu’ils voulaient rester maîtres de la fixation des prix. Si personne ne nie que la filière a besoin de régulation, les fabricants répondaient « le régulateur, c’est nous ». Ils voulaient entrer dans la négociation de la contractualisation qui devrait se conclure au début 2011 en position de force.
 
Alors pourquoi ce revirement après un bras de fer, cette fois peu agressif ? Tout d’abord, il ne faut pas nier que le boycott par étiquette apposée sur les produits laitiers est beaucoup plus habile et dangereux pour les fabricants que les déversements de lait qui sont médiatiques mais à double tranchant pour les éleveurs. Personne n’aime que l’on jette le lait par la fenêtre même avec vue sur le Mont Saint Michel.
 
Mais surtout, il était aisé de démonter l’argument de perte de compétitivité. Au mieux dépassé, au pire, fallacieux. Le différentiel avec l’Allemagne, si souvent évoqué par les industriels, s’est pratiquement résorbé. Au cours de l’année 2010, les prix français et allemands se sont rejoints, à quelques centimes près. L’analyse des échanges extérieurs de produits laitiers montre que les exportations françaises n’ont guère souffert. Les prix français sont peut être parfois plus élevés mais les fabrications s’exportent. Le made in France fromager est une valeur aussi sûre que le made in Germany automobile. La « perte de compétitivité » n’est que l’habillage d’une demande beaucoup plus prosaïque : les industriels, après un exercice maussade en 2009, voulaient tout simplement rétablir leurs marges. Et faute de pouvoir peser sur la grande distribution, ils appuyaient sur l’échelon le pus faible : les éleveurs. Sans compter le fait que ne pas appliquer, dès la première année, les termes d’un accord qu’on a signé – certes sans enthousiasme et presque sous contrainte- était très maladroit.
 
Il a suffi qu’un élément du clan fléchisse pour que tous suivent. Ce sera donc 330 €.
C’est, bien sûr, une bonne nouvelle pour les éleveurs même s’il ne faut pas se leurrer, les difficultés du secteur sont prévisibles et même certaines. Mais c’est aussi une belle épine ôtée au gouvernement. Qu’aurait fait le ministre ? Le gouvernement – en l’espèce, Michel Barnier avant les élections européennes- a imposé un accord en 2009, pour éviter un effondrement des revenus des éleveurs, mais la situation, à 310 €, en prix de base, n’était plus la même. Se serait-il impliqué avec autant de force pour faire appliquer un accord et imposer un prix plus rémunérateur ? M. Bruno Le Maire, qui avait appelé les parties « à faire preuve de responsabilités » et qui a peut être d’autres perspectives, est bien heureux de ne pas avoir eu à s’en mêler davantage.
 


Mots clés : prix du lait, régulation , contractualisation, compétitivité France Allemagne
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Date : 13/08/2010

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.