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La crise de la filière avicole

Embrouille autour du prix des œufs
 
La crise avicole de l’été a deux lectures. Il y a d’abord la lecture française, celle des professionnels de la filière, relayée par les médias. En ligne de mire, encore et toujours « Bruxelles », ses règlementations tatillonnes et couteuses et les distorsions de concurrence qu’elles induisent. Car la baisse du prix des oeufs survient alors que « Bruxelles » a imposé d’agrandir la taille des cages à poules. 750 cm2 minimum. Une taille obligatoire pour les cages neuves depuis 2003 et pour les cages existantes depuis le 1er janvier 2012. Les éleveurs ont estimé le coût de la mise aux normes à 1 milliard d’euros, soit l’équivalent d’une année de chiffres d’affaires de la filière, et se sont plaints du fait que certains Etats producteurs n’appliquaient toujours pas la réglementation, ce qui les avantageait dans la compétition. Dans un marché déjà saturé, cette nouvelle norme est un facteur de surproduction supplémentaire, car avec l’agrandissement de l’espace vital, la mortalité des poules a baissé. De 3 à 5 %, à 1%. 4% de plus qui déstabilisent la filière et font baisser les prix. Les éleveurs demandent une intervention de l’Etat pour garantir des prix minimum.
 
Tout cela est vu avec un certain agacement, de Bruxelles justement, qui voit dans cette crise une caricature des travers français.
 
Bruxelles n’est autre en l’espèce qu’une directive adoptée par le Conseil, c’est-à-dire par les ministres les Etats membres, en 1999. Non seulement les ministres ont adopté, mais ils ont laissé le temps de s’adapter. 13 ans tout de même. Est-ce la faute de Bruxelles si les Français, comme quelques autres Etats membres, ont attendu le dernier moment pour se mettre aux normes ? Certains Etats s’y sont mis plus tôt, les Allemands et les Anglais par exemple. Ce sont eux qui se sont plaints les premiers des distorsions de concurrence avec les Français ! Certes, la Grèce et  l’Italie restent défaillants, mais la Commission a aussitôt engagé une procédure d’infraction susceptible de sanctions financières.
 
La chute des prix révèle que la loi du marché fonctionne en agriculture comme ailleurs, en dépit de ce qu’affirment à l’envi les tenants de l’exception agricole. Les éleveurs, tentés par des prix élevés – 13 euros les 100 au début 2012, soit le double de l’année précédente -, ont augmenté leur production. Est-ce la faute de Bruxelles si ce sont les Français qui ont le plus augmenté, à 1 milliard d’oeufs par mois, soit + 26 % en 2012, alors que la moyenne européenne était à + 8 %? L’offre a augmenté, la demande est restée stable, les prix ont baissé, rien de très anormal en économie. Même si la baisse est en effet très rude, de 50 % environ, soit le niveau de 2011, alors que le coût des matières premières de l’aliment pour les poules a augmenté de 80 % en deux ans. Baisse des prix de vente et hausse des coûts de production, le problème est, hélas, général en Europe. La particularité française serait plutôt à chercher dans les rivalités entre producteurs, car l’engouement pour les oeufs des catégories 0, 1 et 2 – bio, plein air et sol- et la présence d’activistes du bien-être animal aux portes des grandes surfaces, ont affecté le marché traditionnel des oeufs de catégorie 3 (cage) qui représente encore les trois quarts de la production. Des restructurations sont prévisibles.
 
Quant au réflexe de demander des prix garantis, est-ce la faute de « Bruxelles »  si les Français n’ont toujours pas compris que la PAC de 2013 n’était plus celle de 1960 ? « Il n’y a vraiment qu’en France qu’on peut imaginer une chose pareille ». Il a fallu trente ans pour sortir du système des prix d’intervention et aucun Etat, ni même aucun professionnel – mis à part, certains courants en France - ne demande de retour en arrière. Ce qui pourrait n’être qu’un ajustement économique devient en France une crise politique.


Mots clés : normes, filière avicole, crise bretonne
Source : Les échos 27 août 2013
Date : 15/11/2013

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.