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Le contrôle des dépenses agricoles

Le contrôle des dépenses agricoles : Les dépenses agricoles à la loupe



Jusque dans les années 80, la politique agricole commune (PAC) était considérée comme un « colosse budgétaire », et comme un colosse, on ne la regardait pas de trop près. Cette époque est révolue. Les dépenses agricoles sont de plus en plus contrôlées. Plusieurs facteurs sont à l’origine de ce développement.

- Le développement des contrôles

Au début des années 90, la peur des fraudes au budget communautaire, politiquement dévastatrices pour la construction européenne, a entraîné un renforcement des contrôles des dépenses. Dans le cas des dépenses agricoles, premier poste budgétaire du budget de l’Union (46 milliards d’euros en 2002), ce renforcement était aussi fondé sur des raisons budgétaires. 1% de fraude ou d’irrégularités représentant autant que l’enveloppe consacrée par l’Union à l’aide humanitaire.

L’expérience motivait également un renforcement des contrôles. Selon le principe de subsidiarité, les contrôles incombent avant tout aux Etats membres. Les limites des contrôles nationaux étaient apparues et l’efficacité des contrôles mixtes, mêlant fonctionnaires de l’Etat membre et fonctionnaires européens, était patente. La Commission a alors multiplié ses interventions et adopté des règles beaucoup plus strictes pour faire cesser les soupçons de laxisme qui pesaient sur elle. Y compris en imposant aux Etats des sanctions financières lorsque les contrôles internes ne lui semblent pas suffisamment performants.

La réforme de la PAC de 1992 a mis en place un régime d’aides directes aux exploitants, calculée sur les surfaces et les animaux éligibles. Le régime reposant sur des déclarations, un système de contrôle efficace s’est avéré nécessaire. Tel est l’objet du système intégré de gestion et de contrôle (SIGC) qui repose sur l’identification des parcelles agricoles et des animaux. Enfin, les contestations de la PAC militent également en faveur des contrôles. Malgré la pression politique, écologique, financière, le budget de la PAC est probablement intouchable jusqu’en 2006, échéance de la programmation financière décidée au Conseil Européen de Berlin en décembre 1999, mais rien n’empêche, d’ici là, «d’employer les ressources de manière plus efficace » comme l’a annoncé le Commissaire Franz Fischler, chargé de l’agriculture.

- Les différents contrôles

La foison des contrôles qui en résulte forme aujourd’hui un maillage particulièrement dense et complexe. On distingue quatre niveaux de contrôle.

Le premier niveau est le contrôle primaire. Les aides aux produits (aides de l’ancienne PAC) sont contrôlées par les offices agricoles, organismes payeurs agréés par l’Etat, ou par les douanes. A ce stade, le contrôle est physique (contrôle par échantillons des spécificités des produits aidés à l’exportation…). Les aides aux producteurs (aides de la nouvelle PAC depuis 1992) sont contrôlées par les services déconcentrés de l’Etat (directions départementales de l’agriculture et de la forêt) ou par certains offices. Ce contrôle est administratif et matériel (contrôle des surfaces sur place ou par télédétection…). L’objectif du SIGC est de garantir que les aides sont correctement calculées et attribuées à des bénéficiaires éligibles.

Les autres contrôles sont a posteriori. Le deuxième niveau est le contrôle des entreprises. Il s’agit d’un contrôle documentaire sur place, réalisé un ou deux ans après paiement. Un programme de contrôles est décidé chaque année par la commission interministérielle de coordination des contrôles – la CICC- et mis en oeuvre par l’Agence centrale des organismes d’intervention dans le secteur agricole- ACOFA- et les services de l’Etat. Le troisième niveau est le contrôle des organismes payeurs. Les procédures et les comptes sont vérifiés par la commission de certification des comptes des organismes payeurs -dite C3OP- émanation de la Cour des comptes française, qui, elle, a la charge du contrôle externe des offices. La Cour n’a publié ses premiers rapports sur ces établissements qu‘en 1992, soit 25 ans après leur création, mais son implication s’est beaucoup renforcée depuis. Ses observations sont souvent sévères, mettant en cause les pratiques « excessivement indulgentes » des offices et de l’Etat.

Le quatrième niveau est constitué des contrôles externes communautaires réalisés par les services de la Commission. La démarche est radicalement différente. Il ne s’agit pas de contrôler les entreprises ou les services, mais de s’assurer de la fiabilité des procédures de contrôles internes dans les Etats membres: les contrôles ont-ils été assez nombreux, l’échantillon des entreprises contrôlées est il satisfaisant ? Cet examen est préalable à l’apurement des comptes, qui détermine le montant des dépenses qui sera finalement à la charge du budget communautaire.

- Les corrections financières

Des corrections financières peuvent être alors décidées. Elles ne sanctionnent pas une fraude ou une irrégularité avérée mais une fraude ou une irrégularité virtuelle dans la mesure où la Commission estime que les insuffisances des dispositifs de contrôle nationaux ont fait courir un risque financier au budget communautaire. Les sommes en jeu sont très importantes, entre 2 et 25 % de la dépense concernée au niveau national en fonction de la gravité de la faute. En cas d’échec de la conciliation, l’Etat membre dispose d’un ultime recours devant la Cour de justice européenne. Cette année, la Cour a confirmé une correction financière imposée à la France de 86 millions d’euros. En 2000, la correction a atteint le chiffre record de 1,5 milliards de francs (228 millions d’euros).

Les pénalités étant déduites des versements agricoles prévus pour l’année suivante, les instructions ont été données pour améliorer les contrôles. Une simplification des règles faciliterait aussi la tâche des contrôleurs: entre 1992 et 1999, les principaux régimes d’aides ont été modifiés à 80 reprises…


Mots clés : PAC, dépenses agricoles, contrôle, enquête, fraude, CICC, évaluation, correction financière, pénalités
Source : Le Monde
Date : 08/10/2002

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.