FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

Le protectionnisme agricole

LE PROTECTIONNISME AGRICOLE



Le régime des échanges agricoles reste un sujet majeur de contentieux enter les régions du monde, en particulier entre l’Europe et les Etats-Unis. Pendant longtemps, l’Europe a eu l’avantage et l’inconvénient de soutenir ses productions par le système le plus élémentaire qui soit : taxations des importations et subventions à l’exportation. L’accord de Marrakech, conclu dans le cadre du GATT en 1994 après sept ans de négociations, n’a pas purgé les conflits. Conformément à l’article 20 de l’accord, les discussions ont repris à Genève, en mars dernier. Elles devraient prendre un tour plus actif au début 2001, après les échéances électorales américaines.

Les restrictions aux importations

Premier sujet : les restrictions aux importations. Dans le but d’assurer son indépendance agricole et/ou de reconquérir son marché intérieur, l’Europe a longtemps pratiqué ce qu’on peut appeler un protectionnisme primaire, par le biais des prélèvements agricoles. Contrairement aux droits de douane classiques, fixes ou proportionnels, les prélèvements agricoles sont des taxes sur les importations, d’un montant variable calculé par différence entre prix mondial et « le niveau de prix qu’il était convenu d’atteindre à l’intérieur de la Communauté ». En fait, le prix de production intérieur. Ce mécanisme d’ajustement automatique, qui ne concernait cependant pas les nombreux pays couverts par des accords préférentiels, a été supprimé en 1994 au profit d’un système banalisé dits d’équivalents tarifaires, comparables à des droits de douane. Une réduction des droits de douane de 36 % en moyenne sur cinq ans, sauf application d’une clause de sauvegarde, ainsi qu’un accès minimal au marché intérieur de 5 %. étaient également prévus.

Apparemment, les engagements ont été tenus. Les prélèvements agricoles, qui constituaient une ressource du budget communautaire de l’ordre de 2 milliards d’écus au début des années 90 ont été progressivement supprimés et leur remplacement par des droits de douane est total depuis 1999. En France, sur les 8,7 milliards de francs de droits de douane prélevés cette année-là, 400 millions viennent des importations agricoles.

Néanmoins, les avancées se sont avérées moins décisives qu’on ne le pensait. Le niveau de protection reste élevé et la baisse est compromise par le recours, plus fréquent que prévu, à la clause de sauvegarde qui autorise l’imposition de taxes supplémentaires. Cette mesure, courante pour certains secteurs (le sucre par exemple), intervient quand le prix des produits importés diminue trop ou que les volumes importés augmentent trop. L’application de la cause d’ouverture minimale du marché intérieur reste également délicate. Les questions portent sur le périmètre et la période de référence. Prenons l’exemple des viandes. L’accès des 5 % concerne-t-il les viandes, les viandes blanches, ou la seule viande de porc ? Chacun, aujourd’hui, négocie le périmètre qui lui convient le mieux. En consolidant les importations au niveau des viandes blanches par exemple, qui incluent les moutons de Nouvelle-Zélande, l’Europe limite, de fait, les importations sur le porc. Par ailleurs, selon que l’on calcule une ouverture sur le marché des années 1986-1988, comme le prévoyait l’accord, ou sur celui des années 2000, les importations peuvent doubler d’un seul coup. Le prochain élargissement, qui fera entrer dans le marché communautaire des productions jusqu’alors considérées comme extérieures, est lui aussi susceptible d’ouvrir le champ à de nouvelles importations.

Les subventions aux exportations

Deuxième sujet : les subventions aux exportations. L’Europe a recours au système des restitutions, des subventions à l’exportateur qui compensent la différence entre le prix intérieur et le prix mondial, par hypothèse inférieur. Contrairement au système des prélèvements agricoles, dont il est l’exact pendant, le système des restitutions est toujours en vigueur même si, en 1994, les partenaires se sont engagés à réduire le montant des subventions de 36 % et des exportations subventionnées de 21 % par rapport à la moyenne 1986-1990, d’ici 2000.

La diminution a bien été entamée. Les restitutions ont été réduites de moitié entre 1993 et 1998, passant en Europe de 10,1 à 4,9 milliards d’écus. La France, premier exportateur agricole de l’Union, est aussi le premier bénéficiaire des restitutions avec environ 23 % du total.

Malgré cette baisse, le dossier des aides aux exportations reste particulièrement délicat. Un premier débat oppose les partenaires commerciaux. Les Etats-Unis, outre des conditions de production favorables, entretiennent la fiction de prix agricoles bas par une panoplie de soutiens publics indirects : prêts préférentiels, crédits à l’exportation, prix garantis déguisés par le rachat du différentiel entre le prix de vente et le prix officiel (loan deficiency payment), achats publics massifs via l’aide alimentaire internationale, utilisation des filiales exportatrices qui permettent des exonérations d’impôt sur les bénéfices...

Le débat est aussi interne à la Communauté. D’une part, l’application du système des restitutions s’avère extrêmement complexe car le montant varie selon la nature, la qualité, la quantité et la destination des produits. D’autre part, les restitutions s’appliquent aux secteurs qui maintiennent des prix intérieurs supérieurs aux prix mondiaux. C’est le cas du lait et de la viande bovine qui absorbent à eux deux la moitié des restitutions. Des secteurs fragiles qui supporteront mal des réformes majeures comme celle qu’a connue le secteur des céréales par exemple, avec une forte baisse des prix intérieurs compensée par des aides directes aux agriculteurs.


Mots clés : prélèvements agricoles, restitutions, subventions, exportations agricoles, Marrakech, OMC, protections, protectionnisme,
Source : Le Monde
Date : 19/09/2000

Rubriques

Recherche


S'abonner & partager

A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.