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Le coût de la crise de l'ESB

Le coût de la crise de l’E.S.B



La crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) a conduit l’Europe à adopter des mesures spécifiques pour tenter d’enrayer la maladie, stabiliser le marché et rétablir la confiance des consommateurs. Mesures juridiques en premier lieu avec une batterie de règlements fixant des obligations (abattage des animaux, tenue de registres...) ou des interdits (interdiction d’utilisation des farines animales pour l’alimentation des bovins, embargo sur les exportations du Royaume Uni...). Mesures budgétaires en second lieu sous la forme d’aides financières. Depuis le début de la crise en 1996, le montant total des aides relatives à l’ESB est de l’ordre de 4,7 milliards d’euros (30,8 milliards de francs). Le Royaume uni a été le principal bénéficiaire de ces soutiens (2,06 milliards d’euros soit 44% du total). La France, deuxième bénéficiaire, a reçu 742 millions d’euros (4,87 milliards de francs) soit 16% du total. Les trois quarts de cette aide communautaire ont été versées en 1996 et 1997, date de la première crise de l’ESB. Les dotations suivantes ont ensuite rapidement décliné jusqu’à cette année et augmentent à nouveau avec la crise actuelle.

Que finance l’Union ? Face à la crise, l’Union a adopté trois types de réponse qui correspondent à trois types de dépenses.

La première réponse est sanitaire. La crise de l’ESB est avant tout une crise de santé publique, appelant des mesures vétérinaires destinées à éliminer les animaux considérés comme suspects. Ces mesures peuvent être classées en trois catégories. La toute première mesure, décidée en 1996, a consisté à abattre le bétail de plus de trente mois au Royaume Uni. La mise en œuvre de cette mesure s’est heurtée à de nombreuses difficultés liées au nombre considérable d’animaux concernés (plus de 7 millions de bêtes) et aux limites des capacités d’abattage et d’incinération. La dépense est cofinancée par le budget communautaire a hauteur de 70% (30% restant à la charge du Royaume uni). Le programme se poursuit encore aujourd’hui. 1,275 milliards d’euros auront été dépensés à ce titre en cinq ans.

Plusieurs autres décisions d’abattages, sélectives ou facultatives, ont également été financées : abattage des veaux importés du Royaume Uni avant 1996 (en France, 79.500 veaux ont été abattus), abattage au Royaume Uni des animaux ayant été susceptibles d’avoir été exposés à de la farine de viande et d’os, abattage des troupeaux au sein desquels se serait manifesté un cas d’ESB. La prise en charge par le budget communautaire est variable selon les cas et les pays, autorisés à verser des montants supplémentaires. En France, la prime en cas d’abattage d’un troupeau infecté est financée par l’Etat et dépend de la valeur des animaux et du manque à gagner de la production laitière ou bovine. Ces différentes mesures d’abattage ont représenté environ 171 millions d’euros à la charge du budget communautaire.

Si l’abattage constitue la principale mesure de prévention, l’Union finance également des mesures plus spécifiquement sanitaires. Une décision de 1996 a consisté à racheter et éliminer les carcasses en stock au Royaume Uni. Le budget 2001 marque une innovation majeure puisque pour la première fois, le budget communautaire va financer des tests de dépistage. 60 millions d’euros sont prévus à cet effet.

La deuxième réponse est économique. Parallèlement aux mesures d’éradication, l’Union a arrêté des mesures spécifiques visant à soutenir le marché, en évitant que les revenus des éleveurs s’effondrent et que la crise sur la filière bovine s’aggrave. Ces dépenses peuvent être classées en deux catégories.

Une première mesure, ponctuelle, fut le soutien direct aux revenus des producteurs pour faire face à une diminution brutale des prix. 1,31 milliards d’écus ont été dépensés à ce titre entre 1996 et 1997. L’autre type de mesures consiste à contrôler la production. D’ordinaire, en cas de surproduction en Europe, il existe un échappatoire : l’exportation (subventionnée le cas échéant par des restitutions). Avec l’ESB, cette issue devient évidemment plus étroite, la viande européenne étant suspectée. Toute la panoplie des mesures prévues par l’organisation commune du marché de la viande bovine est alors mise à contribution: primes à la mise précoce sur le marché des très jeunes veaux (pour réduire le poids et limiter la production de viande rouge), stockage privé (le négociant reçoit une aide pour garder ses carcasses en attendant que les prix remontent), et surtout stockage public (les carcasses sont rachetées par la Commission et revendues sur le marché après amélioration). Un système très complexe à mettre en œuvre puisque l’intervention est conditionnée par la baisse des prix constatée dans le pays et dans l’Union, et que le montant versé par la Commission dépend du sexe, de l’âge, de l’engraissement et de la catégorie de l’animal (selon la classification dite EUROP allant du E excellent à P médiocre). Lors de la première crise, les stocks de viande sont passés en deux ans de 8.000 tonnes à 617.000 tonnes en 1997, avant de redescendre à 30.000 tonnes en 1999. Nul doute que le stock augmentera à nouveau prochainement. L’ensemble de ces mesures de régulation du marché a représenté 1,9 milliards d’euros en cinq ans.

La troisième réponse est scientifique. Depuis 1996, 50 millions d’euros ont également été dépensés pour financer les recherches sur l’ESB.

La plus grande confusion règne pour 2001. Il faut distinguer ce qui est inscrit dans le projet de budget, encore en discussion, et ce qui est annoncé par la Commission. Les crédits agricoles liés à l’ESB budgetés pour 2001 atteignent 419 millions d’euros (2,75 milliards de francs) en augmentation de 75%par rapport à cette année. Une mesure aisément finançable puisque la baisse de l’euro par rapport au dollar dégage à elle seule 435 millions d’euros d’économies sur les crédits de la politique agricole commune. La Commission a annoncé par ailleurs un plan global, comportant un abattage des bêtes de plus de trente mois (comme au Royaume Uni en 1996) et une aide massive au stockage. La dépense est estimée à 875 millions d’euros (sans compter la part nationale, soit 375 millions d’euros à la charge des Etats). L’ensemble payé par le budget communautaire représenterait donc de l’ordre de 6 milliards d’euros entre 1996 et 2001 (39,4 milliards de francs). Et ce n’est qu’un début.


Mots clés : vache folle, ESB, OCM, dépenses agricoles, crise sanitaire, abattage, abattage, régulation, stockage, stocks de viande,
Source : Le Monde
Date : 12/12/2000

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.