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Les critiques de José Bové sur la PAC

Au cours de sa campagne électorale, M. José Bové a prôné la suppression des aides européennes aux exportations de poulets congelés, accusées de détruire les élevages avicoles du Cameroun. La question des effets de la libéralisation du commerce mondial est juste et digne d’une campagne présidentielle, mais hélas, l’exemple est mauvais : il n’y a pas d’aide aux exportations de poulets congelés en Afrique !           

Les restitutions sont des subventions aux exportations qui permettent aux produits européens de s’aligner sur les prix du marché mondial, par hypothèse inférieurs. En général, les restitutions sont un outil de régulation du marché, un moyen d’écouler les surproductions à l’extérieur, mais la filière poulet est un cas particulier car les aides ont été utilisées pour créer une filière d’exportation qui n’aurait pas été viable sans subvention. Le « poulet export », d’ailleurs introuvable en Europe, est calibré pour le marché international : il est plus petit, élevé en 30 jours contre 45 et 90 jours pour les poulets standard et labellisé, il est vendu congelé, sous cellophane. Comment fonctionnent les restitutions ? Chaque mois, l’UE détermine les taux d’aides qui dépendent des prix du marché déterminé par les leaders mondiaux, le Brésil et les Etats Unis, et des zones géographiques. Les restitutions ne sont accordées que pour deux zones : la Russie et le Moyen Orient. L’Afrique qui est marché secondaire pour l’UE (10 % des exportations totales) ne bénéficie pas de restitutions. La restitution représente environ 30 centimes sur un prix moyen de 1 euro par kg. Le montant total des « restitutions poulet » se monte à 90 millions d’euros par an.

 

            Au début des années 90, 60 % des exportations de poulet étaient subventionnées, cette part est tombée à 20 % aujourd’hui. Entre temps, l’Organisation Mondiale du Commerce a fait évoluer le régime européen dont on ne peut nier qu’il fausse la concurrence. En 1994, l’accord de Marrakech a imposé une limitation de 21 % des volumes subventionnés et de 36 % du montant total des restitutions. L’accord était valable jusqu’en 2001. Depuis, les plafonds en volume et en valeur sont reconduits chaque année. En 2004, la Commission européenne s’est déclarée prête à supprimer son système d’aide d’ici 2013 à condition que les autres formes de soutiens à l’exportation soient aussi réduites. Mais pour tous les opérateurs, l’abandon des restitutions est désormais acquis.

 

            La France est le pays le plus vulnérable à l’abandon des restitutions. Elle est le premier exportateur européen avec 40 % des exportations communautaires et surtout le premier bénéficiaire des restitutions avec 80 % du total. Cette situation est une conséquence d’une spécialisation aujourd’hui inadaptée. En effet, il y a deux filières de ventes. L’exportation de poulets entiers, largement assurée par deux sociétés bretonnes, répondait à une demande du marché mais est très dépendante des restitutions. 90 % des exportations françaises vers le moyen orient sont subventionnées. L’exportation de produits découpés, plutôt assurée par les Pays Bas, est moins dépendante des aides européennes, car les découpes après utilisation des parties nobles sur le marché communautaire, sont bon marché et n’ont pas besoin de subventions.

 
                La fin des restitutions ne changera ni le prix mondial ni la situation des petits producteurs à l’étranger, y compris celle des éleveurs camerounais. La place laissée vacante par le retrait européen sera aussitôt prise par les leaders mondiaux comme ce fut le cas en 2006 après l’embargo sur les exportations françaises dans la foulée d’un cas de grippe aviaire. A moins de produire au Brésil pour lisser les risques, continuer d’exporter sur les pays tiers, voire importer en Europe...La fin des restitutions semble inéluctable. Il faut certainement l’accompagner, mais il faut se garder de s’en réjouir.


Mots clés : APC, restitutions, poulets, José Bové, Afrique.
Source : Le Monde
Date : 02/05/2007

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.