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L'évaluation des politiques structurelles

L’évaluation à mi parcours des politiques structurelles

L’Europe, à travers les fonds structurels, apporte beaucoup aux régions. De l’argent, bien sûr, puisqu’une dotation de 7,5 milliards d’euros est prévue pour les régions de métropole sur la période 2000/2006 au titre des objectifs régionalisés, soit pratiquement la moitié des sommes programmées par l’Etat dans le cadre des contrats de plan Etat régions pour la même période. Mais aussi des modes de fonctionnement innovants, en mettant l’évaluation au cœur de la conduite des projets.

- Evaluation et contrôle

La France n’a pas une culture de l’évaluation. Elle a une culture de contrôle, ce qui n’est pas la même chose. Le contrôle est avant tout formel. Il porte sur le respect des règles, légales et/ou financières et comptables. Les procédures ont –elles été respectées, les dépenses sont – elles éligibles, c’est à dire peuvent – elles être financées, ont elles été imputées sur le bon chapitre budgétaire?… Les règlements des fonds structurels, eux aussi, font une large place aux contrôles destinés à donner une « assurance suffisante que les demandes de concours communautaires correspondent à des dépenses exactes, régulières et éligibles ». Face aux critiques sur la fraude aux dépenses communautaires, les contrôles ont même été renforcés, au point qu’ils seraient « devenus contre productifs tant ils sont lourds et fastidieux ».

L’évaluation est une toute autre logique. Il ne s’agit plus de vérifier le respect de règles mais de parvenir à se faire une opinion sur la pertinence et la réalisation d’un programme (c’est à dire un ensemble de mesures concourant à un objectif), à travers des projets individuels présentés par des communes, des entreprises, des associations. Il s’agit moins d’un travail de contrôle qu’un travail de vérification et d’analyse des résultats par rapport à des objectifs fixés à l’avance. Cette vérification porte sur l’effectivité (l’action a – t-elle été effectivement réalisée), sur l’efficacité (qui permet de comparer l’objectif visé et les réalisations), et sur l’efficience (il s’agit de comparer les réalisations et les moyens mis en œuvre)..

L’évaluation est totalement intégrée à la démarche des fonds structurels. Cette évaluation est prévue en trois temps. La première évaluation dite « ex ante » figure dans le document de référence dit document unique de programmation, qui va servir de bible aux acteurs locaux pendant toute la durée de la programmation des fonds structurels soit entre 2000 et 2006. Elle est réalisée par l’Etat et la région, chargés de l’élaboration de ce document. Elle consiste à déterminer des indicateurs pertinents qui vont permettre d’évaluer le programme ultérieurement (surface prévue de la zone d’activité, nombre d’entreprises implantées, nombre de visiteurs attendus…). Une deuxième évaluation a lieu a mi parcours. Elle est réalisée par un opérateur extérieur, c’est à dire en pratique un cabinet privé et est destinée à évaluer la mise en œuvre des programmes. Cette deuxième évaluation est destinée à l’Etat et à la Commission. Elle doit être réalisée avant le 31 décembre 2003. Une troisième évaluation sera réalisée ex post par un évaluateur indépendant et sera destinée à la Commission. C’est à ce moment qu’il y a une évaluation de l’efficacité du programme et de sa cohérence avec l’évaluation initiale.

- L’enjeu de l’évaluation à mi parcours

C’est en mars 2003 que démarre l’évaluation à mi parcours. Il y a une évaluation par programme et donc une évaluation par région. Les cabinets privés ont été sélectionnés après appel d’offres (pour des contrats allant entre 80.000 et 140.000 euros). Ils doivent rendre leur rapport avant fin 2003. Cette évaluation est très importante car elle recouvre deux enjeux financiers majeurs. D’une part, elle permet de faire le point sur la qualité de gestion des programmes, notamment en matière de consommation des crédits. Pour éviter d’incessants reports de crédits générant des « restes à liquider » (en 2002, la Commission devait encore payer 370 millions d’euros au titre des dépenses prévues dans la première programmation de 1989 1993), une règle introduite en 1999 consiste à annuler les dépenses qui n’auraient pas été payées deux ans après leur engagement. Cette règle est connue sous le nom du dégagement d’office. Ce qui compte avant tout est donc le temps entre l’engagement d’une dépense, c’est à dire la décision de financer un projet, et le paiement, qui lui, est subordonné à la présentation de factures (à l’exception d’une avance automatique attribuée par la Commission européenne au début de la réalisation du projet). Au 1° janvier 2003, la France avait programmé (engagé) 27 % des fonds structurels et payé 4,6% des crédits. Des résultats médiocres sans être aussi déplorables qu’il est souvent annoncé. Le taux d’engagement est relativement normal pour une programmation qui durera en fait jusqu’en 2008 (soit 2006 plus deux ans de période complémentaire). Quant au très faible taux de consommation des crédits, (représenté par les paiements), il s’explique moins par d’éventuels dysfonctionnements de l’appareil administratif que par les difficultés matérielles rencontrées pour récupérer les factures des porteurs de projets qui peuvent être une commune, une entreprise ou une association.

L’autre enjeu concerne l’attribution de la réserve de performance. 4 % des crédits européens alloués à un Etat membre sont mis en réserve jusqu’à la fin de 2003 pour être distribués aux programmes les plus performants évalués sur trois critères : l’efficacité, les qualités de gestion et l’exécution financière. Il convient de remarquer que cette réserve, qui porte sur 280 millions d’euros est une éventuelle « cagnotte » pour les régions mais un droit pour l’Etat. Il revient à l’Etat de déterminer la répartition entre les régions. Mais on peut relever que si aucune région ne montre des performances suffisantes, la somme reste à l’Etat. Une pure hypothèse naturellement. Quoique…


Mots clés : évaluation, fonds structurels, régions, contrôle, consommation des crédits, dégagement d'office, réserve de performance
Source : Le Monde
Date : 18/03/2003

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.