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La politique régionale au centre des prochaines négociations budgétaires

la politique régionale au coeur des futures négociations budgétaires
Le débat budgétaire sur le futur cadre financier européen, destiné à encadrer le budget communautaire sur la période 2007-2013, est désormais lancé. Deux propositions sont aujourd’hui sur la table : les Six contributeurs nets au budget communautaire (Allemagne, Autriche, France, Pays Bas, Royaume uni et Suède), demandent une stabilisation du budget de l’Union autour de son niveau actuel soit 1% du Produit national brut ; la Commission, rejetant ostensiblement la préconisation précédente, propose une augmentation progressive du budget de 1,17 % en 2007 à 1,24 %, en 2013. L’enjeu budgétaire est compris entre 800 et 1000 milliards d’euros sur sept ans. La décision finale sera prise par le Conseil européen à l’unanimité, après une négociation qui promet d’être rude.

Deux raisons expliquent que la politique régionale, qui prend la forme de subventions attribuées pour l’essentiel par les fonds structurels, sera au centre des débats.

La première raison est liée à l’élargissement de 2004 qui génère trois effets majeurs. Le premier est l’effet d’appel, c’est à dire l’octroi de fonds structurels aux nouveaux membres. Le deuxième est l’effet statistique, qui concerne les aides aux régions en retard de développement, objectif prioritaire (dit objectif 1) des politiques structurelles. Ce retard est défini par un PIB régional moyen par habitant inférieur à 75 % de la moyenne communautaire. Dès lors que, avec l’élargissement, cette moyenne diminue de 12 %, certaines régions pauvres par rapport au PIB moyen à 15 se retrouvent soudainement riches par rapport au PIB moyen à 25. En Europe, 18 régions sont concernées par cette éviction qui sera tempérée par un soutien dégressif généreux («phasing out»). Le dernier effet, moins connu, est l’effet d’arbitrage. Car les fonds européens vont aussi à d’autres objectifs, qu’il s’agisse d’aides aux autres régions de l’Union, qui sans être pauvres comme les précédentes, peuvent aussi souffrir de difficultés structurelles liées à « la reconversion économique et sociale de zones industrielles, rurales ou urbaines », mais aussi des aides à la formation et l’emploi. Deux objectifs que la Commission propose de regrouper dans un seul nouvel objectif 2 consacré à « la compétitivité régionale et l’emploi ». L’effet d’arbitrage résulte du fait que la solidarité communautaire va être dirigée de façon prioritaire vers les Etats et les régions les plus pauvres, laissant moins de fonds disponibles pour les autres régions des pays riches, jugées moins prioritaires, voire pas prioritaires du tout.

La seconde raison résulte d’une analyse des paramètres de la future négociation budgétaire. L’enjeu total porte sur 115 à 150 milliards par an. Mais sur cette somme, d’une part, les crédits agricoles ont été dores et déjà fixés jusqu’en 2013 au Conseil européen de Bruxelles d’octobre 2002. D’autre part, les aides structurelles aux nouveaux Etats membres seront vraisemblablement très proches de leur plafond maximum autorisé fixé à 4% de leur PNB. Enfin, certains crédits paraissent privilégiés (recherche, contrôles aux frontières..). Ainsi, de nombreux paramètres n’offrent guère de marge de manoeuvre. Quel est celui qui reste ? Quel est le maillon faible ?: Les dépenses régionales, et en particulier celles destinées aux régions des Etats riches.

Cette situation a été parfaitement analysée dans un récent rapport du Sénat sur les perspectives d’évolution de la politique de cohésion après 2006: »la véritable variable d’ajustement dans la négociation qui s’ouvre ne sera pas la politique régionale dans son ensemble mais plus précisément l’enveloppe consacrée au nouvel objectif 2 ».

Cette dotation dépend de trois paramètres : le montant total du budget (entre 1% et 1,24% du PNB de l’Union) ; le montant de l’enveloppe consacrée à la politique régionale (entre 0,25% et 0,45 % du PNB) ; le partage interne entre les objectifs : la Commission propose de consacrer 15% de l’enveloppe totale à cet objectif 2 contre 22 % aujourd’hui.

Les régions françaises vont-elles faire les frais des négociations budgétaires du futur cadre financier européen ? Les régions d’outre mer, éligibles à l’objectif 1, seraient préservées. En revanche, les régions de métropole, qui bénéficient toutes aujourd’hui des fonds communautaires, ont quelques raisons de s’inquiéter. Tous fonds confondus, les financements européens équivalents au futur objectif 2 de la Commission, représentent pour les régions de métropole un apport de 10 milliards d’euros en sept ans. La moins dotée est l’Alsace (210 millions), la plus dotée est le Nord pas de Calais (884 millions).

Inutile de compter sur un éventuel relais de l’Etat. « L’expérience des contrats de plan a appris aux élus locaux à être méfiants à l’égard des engagements pluriannuels de l’Etat». L’une des clefs de la négociation se trouve plutôt entre les mains des régions elles mêmes, dans leur collaboration avec les services déconcentrés de l’Etat, qui se partagent la gestion et le paiement des crédits. En 2003, la France a échappé de justesse à l’annulation d’office des crédits non utilisés. Mais quelle sera la consommation des crédits en 2004 ? De mauvais résultats nuiraient aux prétentions des régions. Les élections régionales, qui ralentissent l’activité des services pendant quelques mois, tombent particulièrement mal.


Mots clés : perspectives financières, politique régionale, politique structurelle, fonds structurels, aide aux régions, objectif 2, régions françaises,
Source : Le Monde
Date : 17/02/2004

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.