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Le coût de l'élargissement

Le coût de l’élargissement

Depuis la première estimation du coût de l’élargissement figurant dans les perspectives financières 2000/2006, adoptées à Berlin en décembre 1999 (58 milliards d’euros entre 2002 et 2006), les prévisions ont été bouleversées. D’une part, le périmètre et l’échéance ont changé, puisque l’adhésion est désormais programmée pour dix nouveaux membres à compter de 2004 (et non six à compter de 2002). D’autre part une difficulté est apparue concernant l’octroi d’aides directes aux agriculteurs des pays candidats, dites « paiements directs ». Ces aides aux revenus furent introduites en 1992 par la réforme de la politique agricole commune pour compenser la baisse des prix agricoles. Dès lors que les prix communautaires sont supérieurs aux prix en vigueur dans les pays candidats, ces aides étaient apparues injustifiées et n’avaient donc pas été comptées en 1999. De leur côté, les pays candidats demandaient l’application de l’acquis communautaire dans son intégralité, incluant par conséquent le bénéfice des aides directes aux agriculteurs, comme pour les autres Etats membres.

- Les estimations

En janvier 2002, la Commission européenne publiait dans un « cadre financier commun » une nouvelle estimation de 40,1 milliards d’euros (en euros 1999) en trois ans (2004/2006), en sus, évidemment, des dépenses de pré-adhésion soit 12,7 milliards entre 2000 et 2003. Cette estimation incluait l’application progressive des fameux paiements directs (25% la première année, plus 5% puis 10% par an jusqu’au rattrapage intégral en 2013). Le Conseil européen de Bruxelles du 25 octobre 2002 a arbitré la plupart des points en suspens. L’octroi des paiements directs progressifs a été accepté ; l’enveloppe attribuée aux dépenses structurelles a été limitée à 23 milliards d’euros (au lieu de 25,5 milliards prévus par la Commission) ; une compensation budgétaire sera accordée aux pays qui deviendraient momentanément contributeurs nets au budget communautaire après l’adhésion (en raison d’un décalage entre le versement de leur contribution au budget et les paiements européens effectifs). Depuis le Conseil européen de Bruxelles, la présidence danoise a également proposé de majorer les crédits destinés à la mise en œuvre de l’espace Schengen (contrôles dans les aéroports…).

Ces différentes décisions et initiatives permettent aujourd’hui d’avoir une idée précise des dépenses liées à l’élargissement. Pour les trois premières années (2004/2006), l’enveloppe prévue est de 40,1 milliards d’euros en crédits d’engagement (en euros 1999). La répartition est sensiblement différente de celle du budget actuel puisque les dépenses structurelles représenteront 59% du total, tandis que les dépenses agricoles (9,58 milliards) ne formeront que le quart de l’enveloppe. Le solde concerne les politiques internes (4,2 milliards) liées notamment à la sûreté nucléaire, les dépenses administratives (1,67 milliards), et les compensations budgétaires (1,6 milliards). La dépense serait très progressive, passant de 10,8 milliards en 2004 à 13,2 milliards en 2005 et 16,1 milliards en 2006.

- Les conséquences financières de l’élargissement

Quelles sont les conséquences de l’élargissement pour les actuels Etats membres ? Cette incidence nécessite de passer du coût brut au coût net, différence entre les crédits de paiements (les crédits effectivement dépensés, soit 23,8 milliards d’euros) et les contributions prévisionnelles des nouveaux membres au budget communautaire (14,2 milliards d’euros jusqu’en 2006). L’élargissement ferait donc apparaître un déficit global de 9,6 milliards d’euros en trois ans à la charge des membres actuels. Compte tenu de la part de la France dans le financement des charges communautaires, on peut estimer que l’élargissement induit pour la France une dépense additionnelle de l’ordre de 1,8 milliards d’euros en trois ans, soit 600 millions par an.

Une dépense relativement mineure qui masque les vrais défis budgétaires pour l’avenir. D’une part, on observera que toutes les évaluations sont faites en euros 1999. Les dépenses réelles doivent donc être actualisées en euros courants (40,1 milliards d’euros 1999 correspondant à 42,5 milliards aujourd’hui et 44 ,1 milliards en 2004). D’autre part, personne ne se risque à évaluer les dépenses après 2006. Le Conseil européen s’est seulement engagé à maintenir le plafond des dépenses agricoles (hors développement rural) à vingt cinq à ce qu’il sera en 2006 à quinze. Mais il y a trop d’incertitudes sur les dépenses réellement consommées par les adhérents, l’effet des dépenses européennes sur la croissance économique des nouveaux entrants, et les futures perspectives financières. Une chose est sûre, c’est que la dépense sera fortement croissante. A politiques constantes et sur la base des prévisions faites en 1999, on peut estimer le coût budgétaire brut de l’élargissement en 2008, soit cinq ans après l’adhésion, à 25 milliards d’euros par an (en crédits d’engagement), soit, pour la France, une charge annuelle de 2,7 milliards d’euros.


Mots clés : élargissement, coût, prévisions budgétaires, coût brut, coût net, crédits d'engagement, crédits de paiement, coût pour la France
Source : Le Monde
Date : 10/12/2002

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.