FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

Osera-t-on l'impôt européen?

Intro

- Définir de quoi on parle : ni " impôt unique " en Europe ( sur le modèle de la " société européenne ", impôt avec assiette et taux unique dans l’UE), ni impôt national justifié par le souci de respecter des contraintes européennes ( type " impôt européen " introduit par l’Italie après Maastricht pour pouvoir être qualifiée à l’euro) Non : impôt européen (iE) est un impôt destiné en tout ou partie, à financer le budget communautaire (100 Mds d’euros).

- rappeler la constance et le paradoxe : cela fait 20 ans qu’on en parle et 20 ans qu’on le refuse. Idée souvent émise, toujours rejetée. L’iE a toutes les caractéristiques d’un symbole. L’argumentation pèse peu dans le débat. C’est l’audace et le courage qui manquent... La question n’est donc pas de savoir s’il faut ou non un iE, ou si l’iE s’impose mais plutôt de savoir quand l’UE saura l’imposer.

- Malgré des justifications puissantes, l’idée d’un ’iE s’est toujours heurtée à des oppositions irréductibles. Jusque là les craintes l’ont toujours emporté. Pourtant, le débat demeure et la situation est moins figée qu’il n’y paraît, laissant la porte ouverte à des initiatives.

    I. Les justifications de l’iE

     

      A. Les réactions à l’encontre du système actuel de financement du budget communautaire

        1) Les insuffisances du système actuel

          a) rappel du système actuel :

            - le principe des Ressources Propres (RP) + l ‘équilibre automatique + plafond

            - l’organisation des RP : les recettes + la recette PNB

            - les avantages du système actuel : pas de crise financière depuis 1988

           

          b) les inconvénients techniques : le règne du " vrai faux "

            - fausses RP et vraies contributions nationales

            - vrais et faux impôts : fausse " TVA ", fausse " recette PNB "

            - confusion entretenue par les différentes évaluations possibles.

          c) Un système qui ne satisfait ni le PE, ni les parlements nationaux

            - ni le PE : ambitions déçues,  renationalisation des RP ; dérives successives : participation prévue dans PLF + débat sur prélèvement + vote... autant de " piques " contre le mythe des RP

            - ni les parlements nationaux ( ou au moins le parlement français) : pas exclu des RP ( ratif par EM), mais après, vote sans amendement, pas de possibilité de modif...

    ccl partielle: l’iE n’est pas justifié pour des raisons financières et, à ce stade, la critique n’est pas déterminante (débat de technicien, théorique, de susceptibilités...) sauf que, en plus...

        2) Les effets pervers du système actuel

          a) un système incohérent  et irresponsable :

            - un budget de dépenses (rappel de procédure budgétaire ; recette d’équilibre...),

            - PE vote les dépenses sans voter les recettes. Budget perçu comme distributeur mais prélèvements jamais perçus par l’opinion

            - principe des RP et nature des recettes adoptés par parlements nationaux mais après, automatisme.

             

          b) un système qui favorise les approches en termes de retours

            - contributions nationales : prélevées sur recettes fiscales, incite le

            calcul des retours en termes uniquement comptables. Sans doute impossible d’exclure ces calculs mais il ne faut pas exagérer le prisme financier...

            - les aménagements : la correction britannique (Fontainebleau 1984), le " rabais sur le rabais " 2000...

       

      B- Les avantages attendus d’un iE

        1) Les propositions.

          a) les initiatives récurrentes

            - les institutions, (PE/ Commission,/parlements)

            - les déclarations. pressions politiques légères mais suffisamment nombreuses...

          b) les solutions envisagées 

            - les trois objectifs : rendement, équité, visibilité

            - iE en complément (5° ressource), ou iE en substitution,

            - impôts envisagés : TVA, IS, IR, CO2, accises...

         

        2) Les objectifs

          a) cohérence :

            - revenir aux sources du traité.

            - construction européenne techno, euro, suite logique d’un mouvement d’intégration....

          b) citoyenneté

            - lien historique entre citoyenneté et impôt

            - iE non pour savoir à quoi sert le budget (on peut chercher à le savoir aujourd’hui) mais sentiment d’appartenance : lien entre territoire et impôt idem col.loc.

          c) responsabilité

          Celui qui dépense doit aussi voter les recettes.

Ccl : Justification de l’iE est beaucoup plus politique que financière. Pas d’urgence, simple évidence.

    II. Les oppositions à l’iE sont elles irréductibles ?

      A. Des oppositions encore irréductibles (par ordre d’importance croissante)

        1) Les difficultés de mise en œuvre

          a) les difficultés techniques :

            -perception ? argument ridicule. L’impôt local est perçu par les administrations fiscales des Etats. Il n’y aura aucun pb de perception avec le taux de ristourne actuel de 25% des sommes prélevées.

            - Aucun impôt parfait : équité rendement, visibilité... certes mais il n’existe pas non plus d’impôt parfait en France non plus !

          b) les obstacles institutionnels :

            - tout ce qui concerne les ressources marqué par une extrême prudence des EM, qui ont multiplié les verrous ( les 3 verrous des RP : simple consultation du PE+ unanimité du Conseil+ ratif par EM)

            - verrou de l’unanimité : dossier fiscal ultra sensible vrai pour la fiscalité et les RP.

            - projet de Constitution européenne 2003: occasion manquée (rien sur l’iE)

        2) Une opportunité discutable

          a) financière : il existe des marges de progression pour financer les dépenses: plafond pas saturé + sous consommation + reports de crédits...

          b) économique : cohérence entre UE et EM : pas possible de créer un nouvel impôt alors que les Etats ont toutes les difficultés à tenir les déficits...

          c) cohérence interne à l’UE : iE existe déjà (droits de douane) et c’est le seul qui est systématiquement abaissé. Soit par conséquence des choix choix internationaux (OMC et SPG), soit par volonté propre ( ristourne sur prélèvements fixés à 25% des sommes collectées) Revendiquer un nouvel iE alors que pas capable de garder l’existant...

          d) opportunité politique d’un iE ?

          certes op apparemment favorable (sondages) mais soutien baissera si mis en œuvre ...

          position des " pro européens " déjà difficile dans pays réticents à UE alors avec iE, position intenable : anti et pro refusent iE

        3) Les arguments politiques et institutionnels.

          a) le débat sur la souveraineté.

            - fiscalité seul pv du parlement national (comparaison pv PE/ Parlement français). Souveraineté ne se partage pas ?

            - fédéralisme rampant... Débat un peu dépassé car abandon de souveraineté bien plus importantes avec l’euro.

          b) les vrais enjeux cachés : quel pouvoir au PE ?

            - idée de PE irresponsable... craintes d’un dérapage budgétaire 

            - opposition à iE cache opposition à PE. Renvoie à mode de sélection , mode d’élection, absence cruelle de la France au PE...

             

        4) D’indéniables difficultés de communication.

          a) Distinguer nouvel impôt et nouveau prélèvement (pq aujourd’hui il existe bien un prélèvement mais illisible et impossible à identifier). Remplacer un système implicite par un système explicite...

          b) illusion de la pression fiscale constante. Nouvel impôt. iE suppose suppression impôt national, pour avoir une à pression fiscale constante. Oui, mais illusoire car très vite, le taux va augmenter (expérience de l’intercommunalité ...)

      B- Les ouvertures possibles

       

        1) Les nouveaux facteurs favorables à la reprise du débat

          a) arguments non budgétaires : lutter contre le dumping fiscal

          Choix le plus sérieux est entre TVA et IS mais IS a un avantage : entreprises ont le plus profité du marché unique, iE pas trop visible, harmonisation fiscale nécéssaire

          b) arguments budgétaires : lien entre iE et masse du budget

          élargissement va entraîner une augmentation du budget UE et surtout une modification des postions nettes. Le seul moyen d’éviter des calculs et contestations sur retours est d’introduire un iE. Les Etats cessent d’être contribuables, ce sont les citoyens qui le sont et par csq les calculs en termes de retours cessent d’eux mêmes (on ne calcule pas les retours par commune des dépenses de l’Etat!)

          Plus le budget UE sera important et plus l’iE sera justifié

          c) argument politique : lier iE et compétences

          iE doit correspondre à une compétence communautaire. IS OK (concurrence marché intérieur). Si de nouvelles compétences majeures étaient transférées, alors iE pourrait être envisagé (cas ultime avec la défense).

        2) Les conditions pour un iE

          a) Innover

            - solutions mixtes ; iE + contributions nationales

            - Ie à la carte, au choix (idem euro) permet d’exclure RU et Suède...

          b) Rassurer :

            - souci d’équité fiscale : TVA européenne à deux taux (un taux pour les pays riches et un taux pour les pays pauvres) pour éviter effet régressif.

            : - maîtriser l’évolution : maintien du plafond fixé par les EM

            - parlementarisme rationalisé : iE voté par PE et Conseil ? (Conseil n’est pas l’exécutif comme en France mais le co-législateur), s’inspirer de l’art. 40 de la Constitution française...

          c) Expliquer :

            - gros travail de pédagogie

            Mieux expliquer l’UE et parier sur les responsabilités du PE en espérant que la France saura atténuer sa marginalisation au sein du PE.

            - iE ne sera possible que dans le cadre d’un paquet de mesures phares, et d’un transfert majeur de compétences. Débat national et européen qui n’a jamais eu lieu ! (pas de référendum sur élargissement peut – être pas de référendum sur la Constitution... caricature de débat européen)

 

iE possible. Retard et difficultés normales mais iE s’imposera (comme un recul qui permet de mieux sauter). Vraie clef : le porteur de projet. Si souffle européen porté par une ambition et une autorité, iE s’imposera de lui même.


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Date : 12/12/2003

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.