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La correction britannique

La correction britannique au budget communautaire



La France accepte de négocier les dépenses agricoles à partir de 2006 à condition que les autres dépenses soient elles aussi réexaminées. En particulier le rabais accordé au Royaume Uni sur sa contribution au budget communautaire, connu sous le nom de « correction britannique ». L’enjeu porte sur 5 milliards d’euros.

L’aménagement de la contribution britannique au budget communautaire

Pendant dix ans, le déséquilibre budgétaire du Royaume Uni (RU) vis a vis du budget européen a empoisonné la Communauté européenne. Deuxième contributeur au budget communautaire, le RU bénéficiait peu des dépenses européennes constituées alors à 70% par les dépenses agricoles. Il en résultait un déséquilibre budgétaire massif, de l’ordre de 30% de sa contribution brute, d’où la fameuse formule de Mme Thatcher « I want my money back ». Ce déséquilibre a d’abord été compensé par la création des aides régionales qui permettaient de rééquilibrer des dépenses, puis par le versement d’une subvention spécifique (ce qu’on a appelé le chèque britannique), avant d’être réglé, en juin 1984, au Conseil européen de Fontainebleau, sous forme d’une correction sur sa contribution au budget européen. Il est alors décidé que « tout Etat membre supportant une charge budgétaire excessive au regard de sa prospérité relative est susceptible de bénéficier d’une correction ». Il est convenu que seul le RU bénéficie de cette correction.

Le système prend la forme d’une sorte de dégrèvement fiscal. Les modalités de calcul, très complexes, sont précisées dans les décisions sur les ressources propres, adoptées à l’unanimité par le Conseil. Le déséquilibre est calculé à partir de la différence entre la part du RU dans le financement du budget (à l’exception des droits de douane, non comptabilisés) et sa part dans les dépenses réparties entre Etats membres (dépenses administratives incluses). Ce taux est ensuite appliqué au total des dépenses du budget communautaire (qui incluent les dépenses extérieures). Des ajustements interviennent pour neutraliser les effets des modifications intervenues dans le financement du budget communautaire depuis 1984. La correction est égale aux deux tiers de la somme ainsi obtenue et vient en déduction du financement théorique du RU. Le dégrèvement est pris en charge par les autres Etats membres au prorata de leur Produit national brut.

Cette approche comptable, très éloignée de l’effort de solidarité entre les Etats membres a été fréquemment dénoncée. Non sans hypocrisie. Notamment lorsque la critique émane de pays bénéficiaires des fonds communautaires ou faiblement déficitaires par rapport au budget européen. Que dirait l’opinion française - et Bercy- si le déséquilibre budgétaire, au lieu d’être de l’ordre de 1 milliard d’euros en moyenne, était de 5,5 milliards d’euros (montant calculé par équivalence au déséquilibre budgétaire initial du RU)? La correction a également été souvent critiquée par ceux qui payaient le plus… jusqu’à ce qu’ils la demandent à leur tour! Car à partir des années 90, d’autres Etats membres ont connu des déséquilibres budgétaires comparables à celui du RU et ont eux aussi revendiqué une correction sur le modèle britannique. Au Conseil européen de Berlin en décembre 1999, l’Allemagne, premier débiteur au budget communautaire, l’Autriche, les Pays Bas et la Suède, ont ainsi obtenus que leur participation au financement de la correction britannique soit limitée à 25% de leur part théorique. Bien évidemment, cette réduction est financée par les dix autres Etats membres.

Vers un aménagement probable du système

Même décriée, la correction a toujours été maintenue, ne serait-ce que parce que toute modification requiert l’unanimité au Conseil. Trois raisons pourraient justifier un tournant en 2006.

Tout d’abord, la mise en œuvre de la correction peut créer des surprises. C’est le cas en 2001 puisque, en raison du cumul de la correction et des remboursements de crédits non consommés, la position du RU vis a vis du budget communautaire est devenue légèrement bénéficiaire pour la première fois depuis 1973. Or, il est clair que la correction n’a pas pour but d’annuler un déséquilibre budgétaire mais seulement de réduire son importance lorsqu’il est excessif. Un rabais n’est plus justifié quand il rend un pays bénéficiaire.

Ensuite, l’élargissement aura des effets contradictoires. D’une part, les dépenses classées aujourd’hui comme extérieures deviendront des dépenses internes après élargissement, ce qui va encore réduire la part du RU dans ces dépenses et par conséquent augmenter la correction selon les règles actuelles. A l’inverse, l’élargissement va diminuer la richesse moyenne de l’Union. Le maintien d’un traitement privilégié à un pays relativement riche pourra dès lors paraître plus discutable.

Enfin, une pression nouvelle des financeurs pourrait se manifester. Notamment de la part de la France qui, après les derniers aménagements décidés en 1999, finance désormais 30% de la correction britannique soit 1,53 milliards d’euros en 2003. On ne sera donc pas étonné d’apprendre que la France ait pris l’initiative d’envisager une révision de la correction.


Mots clés : financement du budget, déséquilibre budgétaire, Royaume Uni, chèque britannique, Conseil européen de Fontainebleau, Thatcher, unanimité
Source : Le Monde
Date : 19/11/2002

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.