FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

Les résistances des Anglais pour garder leur rabais

Après les dernières modifications apportées par le Parlement européen (PE) aux conclusions du Conseil européen du 16 décembre 2005, les plafonds de dépenses sur la durée des perspectives financières 2007/2013 ont été fixées à 864,3 Mds €. L’aspect dépenses est donc bouclé. Mais des difficultés imprévues surviennent sur l’autre volet de la négociation qui concerne le financement du budget.

            En pratique les deux aspects de la négociation sont liées, mais les dispositions sur les recettes et sur les dépenses communautaires sont formellement distinctes. L’accord sur les dépenses porte sur une durée déterminée (2007/2013) et est adopté par un accord interinstitutionnel entre le PE, le Conseil et la Commission, tandis que l’accord sur le financement n’est pas encadré dans la durée et relève d’une décision du seul Conseil, adoptée à l’unanimité, et qui doit être ensuite ratifié par les Etats membres. S’agissant du financement, les Etats multiplient les verrous. Définir un budget n’est déjà pas aisé, mais les choses sont encore plus difficiles quand il s’agit de savoir qui va payer. 

            En Juin 2006, la Commission a préparé la nouvelle décision du Conseil sur les ressources propres qui doit fixer la nature et les modalités de calcul des ressources, et, de fait, le partage du financement entre Etats membres. La précédente décision a été adoptée en septembre 2000. Plusieurs aménagements ont été décidés au Conseil européen de décembre 2005.  Certains pays ont obtenu des diminutions de leur contribution au budget communautaire soit sous forme de réduction de taux d’appel de TVA affectée au budget européen (pour l’Allemagne, l’Autriche, les Pays bas et la Suède) soit sous forme d’abattement forfaitaire (pour les Pays Bas et la Suède). Mais le nœud de la négociation portait sur le rabais britannique. Le dispositif permet au Royaume uni de bénéficier d’une diminution de sa contribution, ce qui limite ainsi son déficit vis à vis du budget communautaire. Entre 2000 et 2006, le rabais britannique a représenté 37 Mds €, une réduction qui est financée par les autres Etats membres, en particulier par la France qui a désormais à sa charge 27 % du total. Ce mécanisme a été vivement critiqué tant dans son principe, car le pays est aujourd’hui un des plus riches de l’Union européenne, que pour ses modalités, car le mode de calcul du rabais exonère le Royaume Uni des dépenses liées à l’élargissement. Le paradoxe était tel que le Royaume uni était donc un des pays les plus favorables à l’élargissement tout en étant pratiquement exonéré d’en supporter les coûts.

            Ce régime a été remis en cause par le Conseil européen en décembre 2005. Le Royaume uni devra apporter sa jute part au financement de l’élargissement et devra verser au budget communautaire une contribution complémentaire qui ne devra pas être supérieure à 10,5 Mds €. Sans ces modifications, le rabais britannique aurait représenté 51,1 Mds€. Avec cette disposition, il serait ramené à 40,7 Mds. Cette diminution du rabais est évidemment une charge de plus pour le budget britannique. Ces 10,5 Mds € supplémentaires représentent environ 7 Mds de livres soit un milliard de livres par an. La contribution totale des Britanniques au budget communautaire devrait passer de 93,7 Mds € en sept ans à 104, 3 Mds€.

            Cet accord, conclu sous présidence britannique représente un véritable tournant dans la position du Royaume Uni. Le geste avait été salué par le Président Français. L’accord conclu au niveau politique, avait été précisé quelques jours plus tard au niveau technique par un accord du comité des représentants permanents (Coreper) en date du 20 décembre 2005 toujours sous présidence Britannique, qui a été repris par la Commission pour préparer son projet de décision sur les ressources propres. Pourtant, malgré cet accord, six mois plus tard, les résistances ressurgissent. 

            La querelle, ou plutôt le prétexte, part du mode de calcul du rabais. Comment prendre en compte les aménagements décidés au profit de l’Allemagne, les Pays bas, la Suède et l’Autriche ?

            Le débat technique cache en réalité un débat de politique intérieure. Dans la mesure où la décision sur les ressources propres doit être ratifiée par les Etats après accord des parlements nationaux, le rabais acquis en 1984 après dix ans de lutte, est un symbole fort pour les Britanniques et représente un enjeu budgétaire important. L’accord de décembre 2005 a été négocié par le Premier ministre britannique, M. Tony Blair. Six mois plus tard, la succession est ouverte et le candidat le plus avancé pour reprendre les rênes, le chancelier de l’Echiquier, M. Gordon Brown, en fait un de ses arguments de campagne. La semaine passée, le Financial Times se réjouissait de voir à nouveau « le Royaume Uni seul contre 24 partenaires, réouvrir le débat sur le rabais».


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Source : Le Monde
Date : 04/07/2006

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.