FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

Comment faire entrer l'édredon dans la housse de couette?

Accord budgétaire européen :
comment « faire entrer l’édredon dans la housse de couette » ?
 
 
Lorsque j’étais chroniqueur au Monde – de 1999 à 2010-, la limite de mes papiers était 4500 signes par article. Pas 4510 ou 4520, 4500. Je me souviens de la phrase du rédacteur en chef à qui j’avais proposé un article à 4600 signes. « Votre papier est très bien, proposez le ailleurs ». Evidemment, je coupais car on parvient toujours à réduire. Mais plus on arrive près du but et plus c’est dur. Les dernières coupes sont terribles car avec un mot de moins, la phrase manque d’élan ou de précision. Mais on y arrive. Toujours.
 
Il en va de même pour la négociation budgétaire sur le cadre financier pluriannuel. Un exercice qui consiste «  à faire rentrer l’édredon dans la housse de couette », selon l’expression de l’excellent Pierre Sellal lorsqu’il était représentant de la France auprès de l’UE, c’est à dire faire entrer les dépenses européennes dans un cadre limité. L’accord n’a pas été conclu lors du Conseil européen de novembre 2012 car plusieurs Etats considéraient que la proposition de compromis présentée par le président Van Rompuy – 971,3 milliards d’euros sur sept ans- n’allait pas assez loin. Certains Etats (Royaume Uni, Suède, Autriche, Pays Bas) avaient demandé 100 milliards d’économies par rapport à la proposition initiale de la Commission, soit autour de 940 milliards d’euros. D’autres (Allemagne, Finlande, Danemark) avaient fixé leur limite : 1% du revenu national brut de l’UE soit 960 milliards d’euros. Dans une négociation budgétaire, les principaux payeurs donnent de la voix. Peut-on s’en étonner ? L’accord se fera vraisemblablement entre les deux, entre la proposition Van Rompuy et les exigences allemandes, autour de 965/968 milliards d’euros. Comme une couette qui rétrécirait au lavage, le cadre diminue à chaque round de négociation.
 
Reste à trouver quelques milliards d’économies. A ce stade, alors que tout a été débattu, négocié, arbitré, tous les choix sont désastreux. A l’exception d’une baisse de un ou deux milliards sur les dépenses administratives, exigée par le Royaume Uni, les économies ne peuvent se faire que sur les principaux postes du budget.
 
- La PAC. Il ne faut pas exclure un petit coup de lime supplémentaire. Quels sont les mots de François Hollande, hier devant le parlement européen ?  « La PAC va voir ses crédits diminuer par rapport à la proposition de la Commission » Il aurait pu ajouter, « le seuil atteint est le strict minimum incompressible ». Il ne l’a pas fait. La baisse de 10 milliards est actée. La France serait-elle prête à abandonner un ou deux milliards de plus?
 
- La compétitivité. La clef est dans l’intervention de Daniel Cohn Bendit quand il a dénoncé les économies sur le programme de réseau européen d’énergie. Rien n’a encore été dit mais cette mise en garde annonce une économie ( - 3 ou 4 milliards ?) sur le nouveau fonds « Connecting Europe Facility » qui finance les projets transfrontaliers dans le secteur des transports, de l’énergie et des télécommunications. On observera juste que cette économie concerne l’un des seuls programmes réellement transfrontaliers. Les Etats membres préfèrent le reversement des aides européennes à des projets nationaux (PAC et dépenses régionales) plutôt que les soutiens aux échanges intraeuropéens...
 
- La cohésion. Il y a déjà 60 milliards de moins par rapport à la proposition de la Commission et on voit mal comment aller plus loin. La Pologne en a fait sa ligne rouge. Sauf, peut être, sur un point qui risque d’être très conflictuel : le fonds européen d’aide aux plus démunis, c’est à dire l’aide alimentaire. La Commission a eu la bonne idée de basculer le fonds de la rubrique agriculture à la rubrique cohésion – tout en réduisant l’enveloppe au passage de 3,5 milliards à 2,1 milliards sur sept ans- . Mais beaucoup de pays n’entendent pas en rester là : l’aide sociale n’entre pas dans le champ des compétences de l’UE et doit rester au niveau des Etats membres voire des régions. La logique politique est imparable. La logique juridique aussi. L’arbitrage sera, hélas, budgétaire.
 
 
Pourtant, alors que les médias européens annoncent des blocages, je reste persuadé que l’accord – par consensus, c’est à dire à l’unanimité sans le vote- se fera. Même au prix de quelques dérogations  et autres « cadeaux » budgétaires. Un cadre financier pluriannuel, c’est la paix budgétaire pendant sept ans. Tout le monde aurait à perdre de l’absence d’accord. Une paix préparée par une guerre budgétaire. Il en a toujours été ainsi. Il en sera de même cette fois ci. Verdict le 8 février.
 
 


Mots clés : CFP 2014/2020, négociation budgétaire, économies budgétaires
Source : cercle les échos 6 février 2013
Date : 07/02/2013

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.