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La prochaine bataille budgétaire

La prochaine bataille budgétaire : la programmation 2007-2013


La première épreuve, constitutionnelle, du fonctionnement de l’Union à Vingt-Cinq, sera bientôt surmontée. Une autre épreuve, budgétaire, se prépare et concerne la négociation des prochaines perspectives financières qui doivent encadrer le budget communautaire pour la période 2007-2013. Deux propositions sont sur la table. Les six principaux contributeurs nets au budget communautaire, dont les contributions au budget sont très supérieures aux dépenses qu’ils reçoivent en retour (Allemagne, Royaume Uni, Pays Bas, Suède, Autriche et France), souhaitent stabiliser les dépenses à leur niveau actuel, soit 1% du PNB communautaire. De son côté, la Commission a proposé de porter le budget à 1,24 % du PNB. Pour le budget de l’UE, l’écart moyen entre les deux propositions est de 25 milliards d’euros par an.

Cette négociation, qui doit se conclure par un accord à l’unanimité des Vingt-Cinq, s’annonce très dure. Car la plupart des Etats ont des sujets sensibles, des objectifs qu’ils considèrent comme non négociables, des lignes rouges à ne pas dépasser. Le problème est qu’elles se croisent...

Trois sujets de discorde, qui sont autant d’occasions de ruptures, ont été identifiés dans un récent rapport parlementaire remis au Premier ministre.

Le premier sujet est l’aide à la cohésion entre pays et régions d’Europe. Tous les Etats sont d’accord pour que la priorité soit donnée aux nouveaux Etats membres dont le revenu moyen par habitant est de moitié inférieur à la moyenne communautaire actuelle, mais où arrêter cette priorité ? Faut-il réserver les aides européennes aux seuls pays et/ou régions les plus pauvres, ou doit on conserver une politique de solidarité européenne comme elle existe aujourd’hui, en maintenant des aides aux régions en difficultés qui ne sont pas situées dans les Etats pauvres ? Comment gérer la situation des régions anciennement pauvres devenues riches part le seul effet de l’abaissement du niveau de vie moyen ? Peut-on imposer des restrictions massives aux grands bénéficiaires d’hier (l’Espagne a reçu plus de 100 milliards de fonds structurels en dix ans)? Quel sort réserver aux aides régionales dans les Etats riches, comme les régions françaises par exemple? Sur ces questions, tous les Etats sont concernés et abordent la négociation avec des positions très tranchées : les nouveaux membres attendent les aides, les anciens bénéficiaires veulent les conserver ou en perdre le moins possible. Ce premier sujet est explosif et, comme le note un observateur la mèche est déjà allumée.

Le deuxième sujet est la politique agricole commune. A priori, le débat est clos depuis qu’en octobre 2002 les Quinze ont décidé du montant du plafond d’une partie de la politique agricole commune (PAC) jusqu’en 2013. Un montant prévu pour Vingt-Cinq, certes peu différent du plafond adopté aujourd’hui pour Quinze, mais qui a l’avantage de sanctuariser les crédits et de mettre la PAC à l’abri d’une renégociation qui aurait été, sinon, inévitable lors de la préparation des perspectives financières. Sauf que certains Etats, parfaitement conscients que la PAC est le talon d’Achille de la France, dont elle est le premier bénéficiaire, laissent planer une menace de rouvrir ce dossier et n’attendent qu’une occasion pour le faire. Or, l’occasion est donnée par le prochain élargissement de 2007. L’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie devrait entraîner une dépense agricole supplémentaire de 2 milliards d’euros en 2013, une somme que certains Etats souhaitent imputer sous le plafond prévu pour les Vingt-Cinq. Une proposition contraire à l’accord de 2002 mais néanmoins plus que probable. Pour reprendre la métaphore pyrotechnique évoquée, la mèche ne serait pas encore allumée, mais plusieurs Etats auraient déjà la main sur le briquet.

Le troisième sujet concerne la répartition du financement des dépenses entre Etats membres. Un consensus s’est dégagé pour mettre fin aux privilèges de fait et faire payer les Etats qui sont aujourd’hui relativement préservés par les échanges budgétaires avec l’Europe. La France, principale visée, s’attend à une forte détérioration de son solde net vis a vis du budget communautaire, qui passerait dans la proposition de la Commission, de l’ordre de 2 milliards aujourd’hui à 8 milliards d’euros en 2013, soit un solde voisin de celui de l’Allemagne. Mais la situation du Royaume Uni mérite aussi un examen. Il s’agirait cette fois de remettre en cause un privilège de droit, accordé depuis 1984 sous la forme d’une réduction de la contribution britannique au budget communautaire. Cette disposition, justifiée en son temps compte tenu du retard du niveau de vie britannique (de 11 % inférieur à la moyenne communautaire d’alors), ne l’est plus dès lors que le Royaume uni atteint un niveau de vie supérieur de 20 % à la nouvelle moyenne communautaire et devient l’un des cinq pays les plus riches de l’Union ! Mais toucher à la correction britannique est pour les Anglais un casus belli, une sorte de mine qui n’attend qu’être effleurée pour exploser. A moins d’être désamorcée par une super correction, un « écrêtement généralisé », élargi aux principaux débiteurs nets. Y compris aux Luxembourgeois qui sont les plus riches des l’Union ! Une belle régression en perspective totalement contraire à l’esprit européen mais qui, curieusement, compte ses partisans même au sein de la Commission.


Mots clés : perspectives financières 2007-2013, cadre financier pluriannuel, futur budget européen, programmation financière, fonds structurels, écrêtement généralisé,
Source : Le Monde
Date : 14/04/2004

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.