FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

Bilan de la négociation budgétaire : l’Europe pour tous mais chacun pour soi

A priori, tous les Etats peuvent être satisfaits du compromis final de la première grande négociation budgétaire à Vingt-cinq, qui porte sur 862 Mds € de crédits d’engagements sur la durée de la programmation. Les nouveaux Etats membres sont largement prioritaires dans l’attribution des fonds structurels, l’Espagne en conserve une large part grâce à des dispositions très favorables, les Pays Bas voient leur contribution diminuer, le Royaume Uni accepte de modifier le calcul de son rabais mais seulement à compter de 2009 et sans renoncer au principe…

 

La France aussi a atteint ses objectifs. Dès le départ, la France avait préconisé la stabilisation du budget communautaire à son niveau actuel, autour de 1 % du PNB européen. Incontestablement, le compromis final, à 1,045 % du PNB en moyenne annuelle, est plus prêt de cette ligne que les 1,22 % proposés initialement par la Commission. La France craignait aussi une remise en cause de l’enveloppe budgétaire de la politique agricole commune (PAC) fixée en 2002 jusqu’en 2013. Le Royaume Uni en avait fait son cheval de bataille, mettant en balance la révision de son rabais contre celle de la PAC. Mais le régime britannique, unique et inique, s’est vite avéré indéfendable tandis que l’enveloppe agricole a été conservée. Le compromis s’est fait sur un « engagement de réexamen complet et global des dépenses, y compris la PAC, et des recettes, y compris la correction britannique » à  mi parcours, en 2008-2009. Enfin, la France espérait conserver les fonds structurels européens en faveur de ses régions, mais sans trop y croire. Malgré l’appui de M. Michel Barnier, alors commissaire européen, ces aides régionales étaient plutôt compromises face aux besoins des nouveaux adhérents et à une PAC sanctuarisée. Certes, le montant total recule mais la diminution est limitée. Les aides aux départements d’outre mer passent de 3,3 à 2,8 Mds €, les aides aux régions de métropole passent de 11,5 à 9,1 Mds. La France ne pouvait espérer mieux.

 

Pourtant, la négociation laisse un goût amer. Jamais un accord censé être le cadre de référence du budget européen n’avait été aussi complexe. Le nombre de dispositions spécifiques à tel ou tel Etat ou telle ou telle région est proprement stupéfiant. « La logique des cadeaux a permis d’organiser le ralliement des Etats au compromis final » explique un des experts de Bercy. S’agissant des recettes, quatre mécanismes dérogatoires différents permettent de réduire la contribution de cinq Etats membres. S’agissant des dépenses, en particulier des aides régionales, on compte pas moins de quinze régimes de répartition différents, le montant est exprimé soit en valeur soit en intensité d’aide par habitant, le niveau varie selon la prospérité relative de l’Etat ou le montant perçu en 2006, les règles administratives et financières (dégagement d’office des aides non consommées) varient selon les Etats…. En outre, 4,5 Mds € de dotations spécifiques complémentaires sont prévues pour dix sept régions de quatorze Etats membres.

 

Ainsi, peu ou prou, tous ceux qui avaient quelque chose à demander l’ont obtenu. C’était sans doute la condition de leur signature, puisque l’accord devait être adopté à l’unanimité. Il faut y voir sans doute aussi une conséquence indirecte du nouveau mode de négociation à Vingt-cinq. C’est la quatrième fois que l’UE effectue cet exercice budgétaire pluriannuel, mais dans le passé, les derniers blocages se dénouaient dans le rituel du conclave: les chefs d’Etats et de gouvernement se réunissaient seuls, dans une pièce, et n’en sortaient qu’une fois le compromis final trouvé. A Vingt-cinq, il n’y a plus de négociation multilatérale, le compromis se construit par itérations successives entre deux ou trois délégations à la fois. Cette nouvelle méthode de négociation limite le leadership unique, donne plus de poids à la diplomatie, mais induit aussi des changements techniques. Entre chefs d’Etat et de gouvernements, on traitait des principes, à deux ou trois délégations, on discute des détails. L’accord a aussi confirmé que l‘Etat qui assure la présidence n’est pas toujours dans une situation de force et se trouve dans l’obligation politique de parvenir à un compromis. Le réexamen d’ensemble du budget à mi-parcours en 2008/2009, se fera sous présidence française. Et ce n’est pas un hasard si les Britanniques ont choisi cette période.


Mots clés : négociation budgétaire
Source : Le Monde
Date : 31/01/2007

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.