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La crise de la dette et l'Union européenne

Crise de la dette, le temps de l’Union

 

La crise de la dette européenne a au moins un effet positif : elle donne un contenu concret à des idées encore abstraites. On savait que les économies européennes étaient interdépendantes, mais on n’avait pas encore bien perçu le fait que les politiques budgétaires l’étaient aussi. Le cas Grec a montré que les choix d’un pays – en l’espèce la dissimulation des comptes, le laisser aller fiscal (15 milliards de fraudes par an) et l’endettement- peut entraîner les autres. Peut on parler de solidarité quand, en vérité, on n’a pas d’autre choix ? Il faut aider la Grèce pour ne pas sombrer avec elle.

 

Et si cette crise était une chance pour l’Europe ? Pour en finir avec les atermoiements des Etats, la seule solution crédible passe par une certaine communautarisation, une mutualisation des moyens. Le fédéralisme budgétaire est une forme d’organisation hiérarchique des pouvoirs budgétaires entre un niveau central, souverain dans certains domaines, et des niveaux inférieurs qui gardent une compétence budgétaire. Toutes les propositions de fédéralisme ont échoué jusque là parce qu’elles émanaient de fédéralistes justement ou d’économistes, tous deux par trop décalés des réalités et des contraintes politiques. Mais la crise donne une ouverture. Les leviers budgétaires sont de trois ordres : les dépenses, les recettes, et la dette. Quelle mutualisation est-elle possible sur chacun d’eux ?

 

En premier lieu, il est illusoire de croire en la possibilité de faire émerger un budget fédéral, c'est-à-dire un budget européen significatif ayant une capacité d’action anti crises, de stabilisation. Non seulement le budget actuel est l’exact contraire d’un budget fédéral (les seules dépenses communautarisées sont les dépenses agricoles alors que toutes les fonctions régaliennes relèvent des Etats), mais il est hors de question que les Etats acceptent de l’augmenter. Qui peut vraiment croire que l’argent serait mieux dépensé par Bruxelles, fagoté par les contraintes d’équilibre entre les Etats membres, que par les gouvernements nationaux ? Remonter le budget communautaire à son plafond maximal autorisé soit 1,23 % du PNB de l’Union, niveau qui serait encore insuffisant pour lui faire jouer un rôle quelconque, représenterait une contribution supplémentaire de plus de 5 milliards tant pour la France que pour l’Allemagne. La piste du budget communautaire est donc exclue. L’idée d’un fonds conjoncturel alimenté par un pourcentage de TVA est, pour le moment, tout aussi fantaisiste.

 

La piste de la fiscalité l’est également. La fiscalité est l’une des rares prérogatives nationales qui soit restée presque intacte. Tous les gouvernements et tous les parlements sont jaloux de cette compétence et jouent de cette concurrence fiscale. La seule éventualité de faire évoluer la fiscalité des entreprises en Irlande, alors que les Etats de l’Union participaient à la recapitalisation de leurs banques, a été reçue comme une provocation et a été aussitôt retirée. Les évolutions dans ce domaine seront lentes mais pas impossibles. Suite à la suggestion de la Commission de créer de nouvelles ressources propres (taxe carbone, impôt sur les transactions financières), la prochaine négociation budgétaire sera l’occasion de voir si l’Union est décidée à franchir le pas, même symbolique d’une fiscalité européenne.

 

Reste la dette. Pour le moment, l’assistance européenne à la Grèce a emprunté trois canaux : la Commission a prêté (60 milliards) directement via le mécanisme européen de stabilisation financière -le MESF-, les Etats ont garanti- à hauteur de 440 milliards- les prêts accordés à la Grèce via le fonds européen de stabilisation financière - le FESF- et la Banque centrale européenne a racheté des obligations des pays à risque, débordant largement sa fonction traditionnelle puisqu’elle n’est pas censée intervenir ainsi sur le marché secondaire. Le FESF le fera bientôt, soit en prêtant aux Etats pour qu’ils rachètent leur propre dette, soit en achetant lui-même des obligations des pays à risques. Dans ce cas, il s’agira, de fait, d’un embryon d’euro obligations. Ainsi, peu à peu les emprunts communautaires se substitueront aux emprunts nationaux. Cela serait ainsi la première étape d’une mutualisation de la dette des pays de la zone euro. Jusque là, la France et l’Allemagne n’y étaient pas favorables mais ont-elles d’autre choix ? Cela ne peut passer que par une étroite surveillance des Etats mais ont-ils d’autre choix ? La dette de plus en plus européenne entrainera ainsi un gouvernement économique de plus en plus communautaire. A-t-on d’autres choix ?

 


Mots clés : fédéralisme budgétaire, crise de la dette, euro oblgiations
Source : lemonde.fr
Date : 22/08/2011

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.