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La sanction budgétaire des Etats dispendieux

La sanction budgétaire des Etats dispendieux
 
 
La France et l’Allemagne ont proposé de suspendre le paiement des fonds structurels aux pays de la zone euro incapables de maîtriser leurs déficits. L’idée traînait dans les dossiers depuis plusieurs mois, poussée notamment par l’Allemagne. Elle est désormais dans le débat public. Que penser de cette initiative ? Il faut distinguer la forme et le fond.
 
En premier lieu, il s’agit de donner du contenu à la proposition de gouvernement économique formulée la veille, 17 août. Selon l’adage connu dans les milieux financiers, quand je dois 10.000 euros à ma banque, c’est un problème pour moi, quand je lui dois 10 millions ou 10 milliards, c’est un problème pour elle. La crise dite de la dette a montré l’interdépendance des politiques budgétaires : la dette de l’un fait les problèmes de tous. La proposition de sanction est une réponse à ceux qui considèrent que la parole publique doit être ferme afin que les signaux à l’opinion soient clairs.
 
En second lieu, l’initiative franco allemande montre que le futur président du gouvernement économique ne sera qu’un homme de paille. Le gouvernement sera une dyarchie franco allemande. C’en est presque humiliant pour M. Van Rompuy, qui aurait au moins pu être associé à cette annonce. M. Sarkozy et Mme Merkel ne vont pas s’embarrasser d’un tiers, encore moins d’un tiers qui prendrait des initiatives. Le futur président a été choisi pour ça.
 
En troisième lieu, cette proposition éclaire l’apport du traité de Lisbonne. Car auparavant, le règlement central des fonds structurels était adopté à l’unanimité du Conseil après avis conforme du parlement européen. Depuis le traité, ce règlement cadre est adopté selon la procédure législative ordinaire, en codécision Parlement –Conseil, ce dernier statuant à la majorité qualifiée. Cela change tout car les oppositions éventuelles qui pouvaient bloquer toute décision en ce domaine seront balayées par la règle de la majorité.
 
Sur le fond, l’idée peut paraître séduisante. Pourquoi verser de l’argent communautaire à des Etats qui, par leur laxisme budgétaire (en Grèce, la fraude fiscale est de 15 milliards d’euros par exemple) embarrassent tous les autres. La solidarité a ses limites. Par le jeu des mécanismes budgétaires entre contributeurs nets et bénéficiaires nets, la Grèce aurait bénéficié de 50 milliards d’euros de transferts en dix ans. C’est assez, semblent dire les deux partenaires. D’autant plus que les sommes en jeu sont importantes : les fonds structurels représentent 2,85 milliards par en en Grèce, 4,1 milliards en Italie, 7 milliards en Espagne. La suppression de cette manne financière constitue, à n’en pas douter, un moyen de pression sérieux.
 
Le projet se heurte toutefois à quelques difficultés. La sanction porterait sur les Etats de la zone euro. Or, d’une part, la grande majorité des fonds est attribuée aux régions et non aux Etats. Le mezzogiorno doit il pâtir des impérities de l’Etat italien ? D’autre part, les sanctions peuvent se comprendre pour les Etats de la zone euro mais les fonds structurels s’appliquent à tous. Pourquoi pénaliser les Etats qui ne portent pas atteinte à la solidité d’une zone monétaire dont ils ne font pas partie ?.
 
La mesure pourrait aussi comporter des effets pervers. D’une part, les Etats concernés - trois ou quatre Etats du sud de l’Europe- ne dépensent pas, loin s’en faut, toutes les dotations programmées. Aiguisés par cette menace de perdre cet argent, ils pourraient être incités à dépenser tout et tout de suite, d’autant plus que l’Union va majorer le taux de cofinancement communautaire, qui passerait de 85% à 95% du montant des investissements, soit un financement quasi intégral par l’Union européenne, au mépris de toutes les expériences qui montrent qu’un financement totalement extérieur donne les plus mauvaises gestions ! Ainsi, loin d’entraîner des économies, la proposition franco allemande commencerait par des dépenses supplémentaires ! D’autre part, les Etats impliqués pourraient négocier leur ralliement à cette règle de rigueur à l’augmentation ou, au minimum, à la reconduction intégrale de leur dotation de fonds structurels. Il n’est pas exclu que des quasi engagements aient été faits en ce sens. Ceux qui pensaient faire des économies sur ce poste ou ceux qui voulaient réorienter les dépenses communautaires vers des secteurs plus performants – environnement, recherche- attendront encore quelques années. Le message politique est clair. L’opinion peut être séduite. Plus que les budgétaires.
 


Mots clés : déficit, fonds structurels, sanction financière
Source : Les Echos, 22 aout 2011
Date : 22/08/2011

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.