FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

L'incidence de l'euro sur le budget européen

Comment la monnaie unique va modifier le budget européen



Pour la première fois, le budget de l’Union européenne pour 1999, jusque-là en écus, a été préparé, débattu et voté en euros : 96 milliards d’euros (soit environ 631 milliards de francs). L’introduction de l’euro constituera une véritable révolution, en particulier dans le domaine budgétaire. Les variations de parités monétaires ont toujours été une source de difficultés dans l’établissement et la gestion du budget communautaire, par exemple pour l’agriculture, qui reste, d’une courte tête, la première politique de la Communauté (42 % des crédits). En fixant des prix en écus, la Communauté était assurée que les agriculteurs allemands, français, italiens... percevraient la même somme exprimée dans leur monnaie respective. Ce système de prix, à la fois unique (en écus) et différent pour chacun (en monnaie nationale), éclate lorsque les parités changent, créant des distorsions de concurrence qu’il a longtemps fallu compenser. L’euro règle définitivement cette question. Prix unique, monnaie unique. C’est la fin des mesures agri-monétaires.

Les actions structurelles (aides régionales, sociales...) qui, avec près de 40 % des crédits, constituent la seconde politique communautaire en termes budgétaires n’étaient pas non plus insensibles au facteur monétaire. Les crédits des fonds structurels sont votés en écus, versés en écus aux Etats, puis convertis et reversés en monnaie nationale aux intervenants locaux. Il est cependant arrivé que, pour un même objectif, les directions compétentes n’adoptent pas les mêmes conversions écu/monnaie nationale, ou que certains pays fassent verser les crédits communautaires dans une autre monnaie que la leur. Une première réforme, en 1993, a amélioré la coordination, mais les difficultés demeurent. La préparation de plans de financement en écus a souvent été une source de difficultés pour les services des collectivités intéressées. Là encore, l’euro règle définitivement ce problème.

La troisième application concerne les relations budgétaires entre la Communauté et les Etats. Le budget communautaire était établi en écus, mais, même s’il s’agit de ressources propres à la Communauté, les contributions étaient en monnaie nationale dans les documents budgétaires nationaux, sur la base d’une parité prévisionnelle. Toutefois, les variations de parités ont souvent modifié le prélèvement réel dans un sens ou dans un autre. C’en sera fini désormais.

La mise en place de l’euro ne règle pourtant pas toutes les questions de fond concernant le fond communautaire, notamment des sujets sensibles comme l’évolution du budget en volume, les participations financières des pays membres et l’impôt européen.


L’idée d’un impôt européen s’inscrirait dans la logique du mouvement d’intégration

Les pays contributeurs nets aux finances communautaires sont hostiles à toute augmentation budgétaire, jugeant paradoxal d’encadrer rigoureusement les dépenses nationales et de vouloir dans le même temps augmenter les dépenses communautaires dont l’efficacité n’est pas toujours démontrée. Un autre courant souhaite transformer cet « embryon de budget fédéral » en un véritable budget d’intervention, qu’il ne peut être aujourd’hui puisqu’il doit respecter un plafond fixé à 1,27 % du PIB total de l’Union. C’est dans ce débat, récurrent, qu’intervient la mise en place de la monnaie unique.

Il est généralement admis que la perte d’un instrument de politique économique accroît l’importance des instruments restants. Or la monnaie unique signifie pour les Etats, à la fois la perte de l’instrument de change et de la politique monétaire, la convergence des politiques fiscales et l’encadrement des politiques budgétaires nationales. Reste la tentation d’élaborer une politique budgétaire européenne –ce qui suppose des moyens considérablement renforcés. L’Union européenne ne peut prendre le risque d’un choc « asymétrique » (dans un pays ou une région), qui ferait augmenter le chômage ou les prix localement, et dont la responsabilité serait perçue comme incombant à l’euro. Elle n’aurait alors guère d’autre choix que celui de chercher –et trouver- des compensations, notamment budgétaires. Une partie des fonds structurels pourrait être conservée à cette fin. On voit ainsi comment l’euro pourrait entraîner une hausse du budget communautaire.

Du côté des financements, dès lors que les contraintes budgétaires restent fortes, certains Etats seront conduits à réexaminer leurs relations budgétaires avec l’Europe. Soit en revendiquant davantage de retours (de dépenses communautaires dans l’Etat considéré), soit en tentant de réduire leur contribution. L’Allemagne est, sur ce point, dans une situation très particulière. Elle est de loin le premier contributeur du budget communautaire (27 % contre 17 % pour la France) et verse en moyenne 70 milliards de francs de plus que ce qu’elle reçoit (contre environ 10 milliards de francs pour la France). Elle ne bénéficie pourtant d’aucun privilège puisqu’avec dix voix seulement au sein du Conseil – comme la France, l’Italie et le Royaume-Uni-, elle compte moins que la Grèce, le Portugal et le Luxembourg réunis, dont la contribution budgétaire est dix fois inférieure. L’Allemagne prendra la présidence du Conseil dans quelques semaines et la question du rééquilibrage des contributions sera sans aucun doute évoquée.

Dernier point, l’impôt européen. Même si l’agenda 2000 prévoit une stabilisation des dépenses communautaires à 1,27 % du PIB, un certain nombre de facteurs poussent à l’augmentation du budget européen. Cette évolution peut-elle se faire dans l’indifférence et l’opacité actuelles ? L’idée d’un impôt directement perçu par la Communauté sur les citoyens européens serait la conséquence logique d’un mouvement d’intégration. Jusque-là, toutes les initiatives en ce sens ont échoué. L’euro, qui est l’étape la plus importante de la construction européenne depuis 1957, pourrait raviver ce projet. Ce ne serait qu’un pas supplémentaire vers l’intégration.


Mots clés : euro, budget communautaire, budget européen, contributions, budget fédéral, fédéralisme, impôt européen
Source : Le Monde
Date : 22/12/1999

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.