FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

Le risque de faux euros

Avant l’euro, la peur toujours présente de la fausse monnaie.

Quand il y a monnaie, il y a fausse monnaie. Cette règle est valable depuis que la monnaie métallique existe et l’ introduction des pièces et billets en euros ne fera pas exception. La lutte entre les instituts d’émission et les faussaires ressemble à celle entre le bouclier et le glaive. Les premiers ont toujours cherché à fabriquer une monnaie la plus difficile possible à copier, mais rien n’a jamais empêché les seconds d’en fabriquer quand même.

Dans les années 80, on comptait dans le monde une moyenne de 500 nouveaux cas de fausse monnaie par an, dans une cinquantaine de pays, pour une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars. Plus de 80 % des contrefaçons concernent le dollar. En 1999, dans les pays de l’Union, Europol a recensé 1,12 milliards de faux billets et 290.000 fausses pièces pour une valeur totale de 600.000 euros (3,94 milliards de francs). En France, on compte en moyenne 300.000 faux billets pour une valeur de 60 millions de francs soit environ un billet faux sur 37.000 contre un sur 20.000 il y a dix ans. Car en France comme dans le reste de l’Europe, les cas de contrefaçon ont baissé au cours des dernières années… en attendant l’euro. Car c’est évidemment sur la nouvelle monnaie que les attentions convergent.

- La protection contre les contrefaçons

L’euro bénéficiera des meilleures techniques de prévention du moment. Traditionnellement, ces moyens se répartissent en quatre catégories : le papier (texture, filigrane, fil métallique incorporé), l’encre (encre incolore apparaissant aux rayons ultraviolets ou à couleur variable selon l’inclinaison), l’impression (transvision, hologrammes…), et les signes explicites de sécurité (micro chiffres, bande magnétique…). La plupart des signes sont communs mais certaines différences subsistent encore dans les billets nationaux. Les experts des instituts d’émission ont travaillé plusieurs années sur les signes de l’euro. Les billets en euros intègrent ce qu’il y a de mieux chez chacun ainsi que de nouveaux dispositifs. 63 points de contrôle ont été déterminés, incluant autour de 10 (le nombre réel est secret) signes de sécurité destinés à prévenir la fausse monnaie. Outre les signes classiques, on retrouvera donc le fil incorporé et la bande métallique, que la Banque de France a été parmi les premières à utiliser, ainsi que l’hologramme, utilisé à l’étranger. Les principaux éléments d’authentification des pièces et billets seront dévoilés le 30 août, avant veille du jour où les banques commenceront à être livrées en pièces. Mais tandis que les kits de pièces seront disponibles dès le 14 décembre, il faudra attendre le 1er janvier 2002 pour avoir des billets entre les mains. Une sécurité supplémentaire pour ne pas laisser de temps aux faussaires de se préparer… Ces moyens techniques sont complétés par une collaboration policière et judiciaire européenne. Les compétences d’Europol ont été étendues au faux monnayage en 1999, et toutes les informations sur la fausse monnaie sont centralisées.

Le changement de monnaie est-il en lui même, un facteur de risque ? Les effets semblent contradictoires. D’une part l’inexpérience fait craindre que le public pourra être abusé. Une intense campagne d’information sera menée fin 2001 afin d’expliquer aux citoyens et plus encore aux professionnels comment reconnaître les billets. D’autre part, l’effet euro est un facteur de sécurité car la curiosité va jouer et beaucoup feront plus attention aux billets qu’ils ne l’ont jamais fait jusqu’à présent pour les monnaies nationales. Ainsi, le risque d’abus devrait être limité, à l’exception de la partie de la population la plus vulnérable notamment les personnes âgées, isolées, qui, dépassées, peuvent se laisser abuser par des margoulins leur proposant de changer leur monnaie.

Le risque est néanmoins insurmontable car le coefficient multiplicateur entre le coût de fabrication et la valeur d’échange est sans égal. Pour les instituts d’émission, la fabrication d’une pièce de 1 ou 2 euros revient à 91 centimes, soit 14 cents, et la fabrication d’un billet (de 5 à 500 euros) revient à moins de 50 centimes...

-Les risques spécifiques à l’euro

L’euro induit en outre des risques spécifiques. En effet, l’étude du faux monnayage montre que plus la monnaie circule et plus elle est copiée. Ce n’est pas un hasard si le dollar est devenu le billet le plus copié au monde. Avec ses 300 millions de consommateurs, l’euro devient à son tour une cible privilégiée et les services spécialisés s’attendent à un regain d’activité.

Il y a deux types de faussaires : les groupes criminels organisés et les artisans. Le faussaire individuel a toujours existé. En 1950, les experts étaient stupéfaits de la qualité des copies d’un faussaire polonais qui fabriquait son papier à base d’un mélange de papier calque et de papier à cigarettes. Le génie artistique a disparu mais les qualités de photocopie, de scannage et d’impression ont pris le relais. Ce sont aujourd’hui les armes nouvelles des faussaires. La fraude en Europe devrait être limitée au démarrage. Ne serait-ce que parce l’on sait que les faux billets ne sont pas fabriqués au début de leur mise en circulation. Que se passera-t-il après ? L’inquiétude vient moins des pays de l’Union que de cette partie de l’Europe où la fausse monnaie est une tradition. En 1997, 7 millions de faux dollars ont été découverts en ex Yougoslavie. 40 milliards de (vrais ?) marks circulent dans les Balkans. Quand le mark basculera, euros, vrais et faux, prendront le relais.


L’évolution des signes contre la contrefaçon


    - Moyen âge : utilisation des poinçons secrets sur les pièces
    - 16° siècle : l’Allemand Max Schwab invente le balancier, une presse en métal qui permet des frappes de pièces parfaitement rondes
    - 17° siècle : le Français Jean Castaing invente le marquage des tranches des pièces
    - 1800: premiers billets numérotés de la Banque de France
    - 1844 : utilisation du filigrane
    - 1846 : utilisation de la couleur
    - 1874 : billets bicolores ; utilisation aux Etats Unis des machines à dessins (ce qui permet des arabesques inextricables)
    - 1906 : impression en quadrichromie
    - 1990 : nouvelle génération de billets en Europe. La Banque de France utilise le fil de
    sécurité incorporé au papier, l’encre à couleur changeante selon l’angle et la bande magnétique inphotocopiable. En Europe, utilisation de l’hologramme.
    - 2002 : nouveaux billets euros assemblant les meilleures mesures de sécurité des douze Etats et de nouveaux signes de protection


Mots clés : fausse monnaie, faux monnayage, faux euros, contrefaçon, faussaires, Europol
Source : Le Monde
Date : 18/09/2001

Rubriques

Recherche


S'abonner & partager

A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.