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La lutte contre le faux monnayage

La lutte contre le faux monnayage

Les billets en euros sont les billets les plus sécurisés au monde. Ils incorporeront les meilleures protections du moment : encres à couleur variable, fil et bande métalliques dans le papier, hologrammes… Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir sur la contrefaçon. Mais… Mais dès juin 1998, la Commission préconisait des actions pour la protection de l’euro; en avril 1999, le mandat d’Europol, l’office européen de la police, créé quatre ans auparavant, était étendu au faux monnayage ; en mai 2000, une décision du Conseil renforçait les sanctions pénales contre le faux monnayage ; en décembre 2000, le Conseil européen de Nice demandait à ce qu’ »un dispositif efficace (sic) de lutte contre la contrefaçon soit adopté le plus tôt possible» ; ce que fit le Conseil le 28 juin 2001, dans un règlement définissant les mesures nécessaires à la protection de l’euro contre le faux monnayage avec, dans son premier paragraphe, cette curieuse - et inquiétante- précision : « il importe d’adopter rapidement un système de protection de l’euro contre le faux monnayage afin que celui- ci soit opérationnel avant la mise en circulation des billets et des pièces en euros ». Certes…

Une précision qui pourrait signifier que tous les risques de contrefaçon ne sont pas écartés, suivant la règle simple : plus une monnaie circule, plus elle est contrefaite.

- Les dispositifs de lutte contre les contrefaçons

Cette orientation sécuritaire se traduit sous forme d’actions menées dans deux directions : l’information, plutôt destinée au grand public, et la formation des professionnels. La préparation de l’opinion à l’euro incombe pour l’essentiel aux Etats membres, néanmoins les institutions européennes participent activement à ces campagnes.

Outre son travail de conception des billets, premier moyen de prévention des contrefaçons, la Banque Centrale européenne (BCE) a adopté un programme spécifique sur la sécurité dit « Euro 2000 » comportant plusieurs volets. Le 30 août, la BCE a lancé sa campagne d’information grand public en présentant les principaux signes anti contrefaçon des euros. Les signes aisément repérables, sont destinés à éviter la contrefaçon artisanale (photocopiage, photomontage). Mais il existe aussi des signes plus sophistiqués et des signes professionnels contre la grande criminalité. Ainsi, la BCE, en collaboration avec les Banques centrales nationales, a mené une action de formation des personnels qui délivrent ou contrôlent la monnaie afin de les aider à authentifier les billets. La BCE propose des formations de formateurs, délivre des kits de démonstrations… Enfin, la BCE s’est dotée d’un centre d’analyse des contrefaçons chargé de centraliser les informations sur les billets contrefaits. Le programme Euro 2002 est doté de 80 millions d’euros.

La Commission européenne intervient principalement dans le cadre de deux programmes. Il s’agit d’une part de l’action « l’Euro, une monnaie pour l’Europe », principale composante du programme PRINCE (Programme pRioritaire d’INformation des Citoyens Européens) lancé en 1996 pour familiariser les publics à la nouvelle monnaie. 240 millions d’euros ont été dépensés à ce titre depuis cinq ans, en cofinancement des actions nationales. Au fur et à mesure que s’approche l’échéance, l’accent est mis sur la sécurité des euros. D’autre part, la Commission, par le biais de l’Office de lutte anti fraude (OLAF) mène également une action de formation antifraude. L’OLAF a ainsi cofinancé un programme français d’aide à l’identification de faux billets développé par l’Office central de répression du faux monnayage, sous le nom de RAPACE (Répertoire Automatisé pour l’Analyse des Contrefaçons sur l’Euro). Cet outil est utilisable par tout policier sans connaissance particulière. 40.000 euros ont été dépensés à cet effet. Cette action est aujourd’hui formalisée dans un programme spécifique proposé par la Commission, le programme PERICLES visant la formation, l’échanges et l’assistance pour la protection de l’euro contre le faux monnayage, doté de 4 millions d’euros pour la période 2002-2005, soit un million d’euros par an.

Enfin, Europol est également chargé d’assurer des missions de formation des services de police. Le faux monnayage n’est que l’une des missions de l’office mais elle devrait bénéficier d’une partie du renforcement des effectifs qui passeront de 200 à 350 personnes entre 2000 et 2003

- Les enjeux de la lutte contre les contrefaçons

L’aspect budgétaire n’est évidemment qu’accessoire dans ces programmes dont les enjeux sont considérables. Car la monnaie n’est pas seulement un moyen d’échange mais aussi un signe de confiance. En l’espèce, de confiance dans l’Europe. Voilà pourquoi, même si la monnaie fiduciaire ne représente que 15% des moyens de paiement, elle reste l’objet de toutes les attentions.

En premier lieu, la réussite de ces programmes tient en partie à la coopération et la coordination tant entre les services qu’entre les Etats membres et entre les institutions européennes. On ne pourra nier que certains chevauchements et par conséquent certains tiraillements interviennent. Les Etats ont une expérience inégale de la fausse monnaie. Les faussaires sévissent surtout en France et en Italie, mais certains pays du nord de l’Europe n’ont aucune expérience du faux monnayage, ce qui représente des points d’entrée possible pour l’éventuelle fausse monnaie. Quelle sera leur réaction face aux éventuels faux billets ?

En second lieu, la protection de la monnaie ébranle l’ordonnancement des institutions. La coopération policière est l’une des coopérations entre Etats membres dans les secteurs de la justice et des affaires intérieures (dite 3eme pilier), indépendantes du droit communautaire. Néanmoins, si l’euro est contrefait, ce ne seront ni la BCE ni Europol qui seront en cause, mais bien évidemment l’Union dans son ensemble. En outre, les risques éventuels se situent vraisemblablement à l’extérieur de l’Union, notamment dans les Balkans ou en Russie, dans lesquels ni la BCE ni Europol ne peuvent intervenir. Dans ces régions, seule l’Union a éventuellement une capacité de peser. Ainsi, la Commission assure de fait un rôle de leadership. L’euro montre que le clivage entre droit communautaire et troisième pilier ne tient pas. « On veut maintenir une frontière qui dans la réalité n’existe pas ! » dit-on à l’OLAF. Le programme Péricles pèse plus lourd que les 4 millions d’euros dont il serait doté.


Mots clés : fausse monnaie, faux euros, faux monnayage, contrefaçon, BCE, Europol, OLAF, PRINCE, PERICLES
Source : Le Monde
Date : 25/09/2001

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.