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Les dossiers fiscaux de la présidence française de l'UE

Les dossiers fiscaux de la présidence française
 
Peu à peu, le voile se lève sur ce que peut être la présidence française de l’Union européenne. En attendant l’analyse nationale du « bilan de santé » de la Politique Agricole Commune, qui sera l’affaire budgétaire majeure de l’année, les premiers dossiers sont fiscaux et concernent la TVA. Bien que la fiscalité demeure soumise à la règle de l’unanimité des Etats membres, la France espère des avancées sur deux sujets.
 
Le premier concerne la baisse de TVA sur la restauration. La demande française, qui remonte à 2002, consiste à appliquer le taux réduit de TVA à l’ensemble de la restauration, soit 5,5% au lieu de 19,6%. Le régime de la TVA, refondu par une directive européenne de 2006, distingue le taux normal qui ne peut être inférieur à 15%, et les taux réduits, qui s’appliquent soit de façon permanente (pour l’alimentation par exemple) soit de façon temporaire à certains services à forte intensité de main d’œuvre. La directive prévoit que ce régime transitoire est valable jusqu’en 2010.
 
La demande française s’est heurtée jusqu’à présent à l’opposition de l’Allemagne qui a fait le choix contraire d’augmenter la TVA pour compenser la baisse des cotisations sociales. L’Allemagne cherche moins à se protéger contre une concurrence des restaurants français frontaliers qu’à éviter des demandes en chaîne de la part des autres Etats membres. Alors que la Commission européenne s’était engagée à présenter un rapport général sur la TVA en 2009, le Conseil ECOFIN du 4 décembre 2007 l’a invitée à formuler des propositions sur les taux réduits dès le deuxième semestre 2008. L’idée générale serait d’obtenir sous présidence française un projet de directive qui laisse plus de latitude aux Etats dans la détermination des secteurs à TVA réduite. Cette avancée était un succès pour le président français mais, une fois au pied du mur, il n’est cependant pas certain qu’il se batte avec toute l’énergie annoncée. Non seulement politiquement, la France ne peut s’opposer à l’Allemagne sur trop de dossiers à la fois, or on sait que la chancelière allemande n’est guère favorable au grand projet présidentiel d’Union pour la Méditerranée, mais budgétairement, l’abaissement de la TVA représente une perte de recettes de 3 milliards d’euros, plutôt inopportune dans une période de difficultés budgétaires.
 
Le second dossier concerne l’application de la TVA sur le commerce en ligne à l’exclusion des ventes de biens (chargement de logiciels de musique et de vidéos sur des sites spécialisés téléphonie…) dite aussi l’e TVA. Le régime actuel prévoit que la TVA qui s’applique aux prestations aux particuliers est celle du pays d’établissement de la société. Ainsi, le pays qui a le taux de TVA le plus faible dispose d’un avantage comparatif important. Les sociétés de ce secteur ne s’y sont pas trompées puisque la plupart ont établi leur siège au Luxembourg, pays qui pratique le plus faible taux de TVA autorisé par l’UE soit 15 %. En décembre 2007, le Conseil a négocié « après de laborieuses tractations» avec le Luxembourg selon l’expression de la ministre de l’économie, Mme Christine Lagarde lors de son audition au Sénat, le compromis suivant : la situation présente sera applicable jusqu’au 1er janvier 2015, date à laquelle le taux sera celui du pays de consommation mais pendant quatre ans, le Luxembourg percevra une partie de la TVA collectée. Pour le président de la Commission des Finances du Sénat, M. Jean Arthuis, « ce délai n’est pas supportable. La situation est inepte : la TVA est un impôt de consommation et doit revenir aux pays où a lieu la consommation. Un seul pays ne peut capter à lui seul la TVA sur les ventes aux Européens. L’obstination luxembourgeoise est un mauvais coup pour la construction européenne ». M. Arthuis s’est même demandé si le compromis sur l’e TVA n’était pas le prix à payer pour faire accepter la baisse de la TVA par nos partenaires européens. La Ministre s’est gardée de répondre. Elle a juste indiqué que l’ensemble du paquet de TVA serait « réévoqué » au cours de la présidence française.
 
Avec ce régime, le Luxembourg se trouve ainsi dans une position particulièrement avantageuse : l’e commerce lui rapporte de l’ordre de 220 millions d’euros de TVA par an, une somme équivalente à sa contribution au budget communautaire. Ainsi, pendant encore sept ans, ce sont les acheteurs d’Amazon et consorts qui financent la participation du pays le plus riche de l’UE au budget européen…


Mots clés : e TVA, TVA e commerce, présdence française et fiscalité, TVA Luxembourg
Source : Le Monde , 19 février 208
Date : 21/02/2008

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.