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Le coût de la présidence française de l'UE

Le coût de la présidence française


La présidence de l’Union européenne n’est pas exercée par une personne mais par l’un des Etats membres, à tour de rôle tous les six mois. Plusieurs fonctions en découlent, officielles ou implicites, assumées à différents niveaux. Autrement dit, s’il y a bien une présidence, il n’y pas de président unique. Chacun, chef d’Etat, membre du gouvernement, ambassadeur, haut fonctionnaire ou expert est amené à présider la réunion à son rang. Le chef de l’Etat préside le « Conseil européen », centre politique de l’union européenne, qui réunit les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres. Les ministres président, chacun dans leur domaine, le « Conseil de l’Union européenne », principal législateur de l’Union, même s’il partage de plus en plus ce pouvoir avec le Parlement européen.

Les Conseils sont préparés à Bruxelles par un très grand nombre de réunions techniques. Chaque Etat dispose d’une Représentation Permanente (RP) auprès de l’Union européenne, sous l’autorité d’un ambassadeur, chargée de défendre la position nationale et d’engager la négociation communautaire entre Etats membres. La négociation a lieu au niveau des ambassadeurs ou dans des « groupes de travail », constitués de fonctionnaires des Etats membres. On compte en moyenne dix réunions préparatoires par déclaration commune ou directive, soit treize réunions par jour. Cette préséance s’applique également à l’étranger, car chaque ambassadeur du pays à qui incombe la présidence de l’Union reçoit chaque mois ses homologues des autres Etats membres. Enfin, depuis l’initiative de M. Gensher, ministre allemand des affaires étrangères, au début des années 80, les principaux Conseils, qui se tiennent à Bruxelles ou Luxembourg, sont précédés dans l’Etat qui a la présidence, par des réunions préparatoires dites « Conseils informels ».

Ces différentes fonctions engendrent trois types de dépenses. Le premier poste concerne le personnel. Contrairement à d’autres pays qui créent pour l’occasion des structures ad hoc chargées de la préparation et la gestion de leur présidence (l’équipe finlandaise comptait 45 personnes), la politique suivie par la France est de maintenir les structures habituelles, avec, certes, un surcroît de travail (réunions multipliées, suspension des congés avant et pendant la présidence...), mais pratiquement sans moyen supplémentaire. Deux structures nouvelles ont cependant été crées pour l’occasion. Il s’agit du Secrétariat Général de la Présidence Française de l’Union Européenne (SGPFUE) composé d’une petite équipe de sept personnes réunies pour la durée de la présidence, et du centre d’accueil et d’information de la presse étrangère (CAPE), qui lui, est destiné à être pérennisé. Deux services ont été également renforcés. La RP s’est étoffée pour atteindre 175 personnes soit quarante personnes de plus qu’en temps normal dont une dizaine de stagiaires de l’ENA. Neuf personnes ont également rejoint le Secrétariat général interministériel pour la coopération européenne (SGCI) pour gérer le site Internet de la présidence. La quasi totalité de ces postes sont de simples «mises à disposition» qui n’entraînent pas de dépense supplémentaire, à l’exception de l’indemnité de résidence versée aux personnels en poste à la RP. Cette indemnité, non imposable, entraîne une majoration de l’ordre de 50% par rapport aux traitement et primes mensuels perçus en France.

Deuxième poste, le fonctionnement courant. Une présidence entraîne un surcroît d’activité de la RP et un dédoublement de fonction car ses membres, chargés normalement de présenter la position nationale, doivent également assurer la présidence des réunions. Les fonctionnaires de l’administration centrale sont alors appelés en renfort pour assurer l’une ou l’autre fonction. Ce dédoublement, qui se produit à chaque présidence, occasionne des dépenses importantes pour les pays éloignés (trajets, logement..), tandis que le surcoût pour la France devrait être modeste, compte tenu la proximité avec Bruxelles. Une présidence s’accompagne également d’actions de communication. La base est la papeterie au sigle « présidence française de l’union européenne» utilisée en France, en Europe et dans chacune de nos 149 ambassades. Il faut aussi prévoir la création d’un logo, une campagne médias, et un « kit d’objets de communication » distribués lors des Conseils (stylos, montres, cravates...) auxquels s’ajoutent des cadeaux personnalisés, en l’espèce des vins français (pas de champagne, jugé «trop courant» pour les habitués des conseils), et les éventuelles dépenses des communes d’accueil. Le budget de communication de la ville de Nice à l’occasion du prochain Conseil européen est 4,8 millions de francs (banque d’images, soirée d’accueil, feu d’artifice, colloques...).

Le poste le plus important est le coût des Conseils, notamment des Conseils européens auxquels assistent, outre les chefs d’Etat et de gouvernement, le président de la Commission européenne et les ministres des affaires étrangères. Chaque délégation finance son voyage et son hébergement, mais une fois sur place, les autres dépenses (restauration, voitures...) sont prises en charge par l’Etat qui assure la présidence. Les dépenses de sécurité et de communication (centre de presse...) sont aujourd’hui des postes lourds. On estime qu’un Conseil (ministériel) informel coûte environ 3 à 5 millions de francs et un Conseil européen de l’ordre de 50 à 80 millions de francs. Un « sommet » ouvert à d’autres Etats est plus coûteux encore. Ce sera le cas cette année avec une conférence élargie aux treize Etats candidats à l’adhésion, qui se tiendra en marge du Conseil de Nice, ainsi que l’éventualité d’un sommet euro méditerranéen.

En France, ce coût n’est ni individualisé, ni anticipé. Le coût de la présidence française ne figure dans aucun document budgétaire. L’essentiel des dépenses est financé à partir des crédits courants de fonctionnement et d’intervention des budgets des différents ministères concernés. Ces crédits peuvent être abondés en cours d’année par le ministre chargé du budget à partir d’un chapitre réservoir consacré aux «dépenses éventuelles». Ce chapitre n’a été majoré qu’in extremis dans la loi de finances rectificative votée quelques jours avant le début de la présidence française.

Faute d’évaluation budgétaire stricte, l’expérience des présidences étrangères antérieures est un bon indicateur. La présidence française devrait revenir autour de 220/250 millions de francs (33,5/38,1 millions d’euros).


Mots clés : Conseil, Conseil européen, présidence, sommets, représentation permanente, SGCI, Conseil informel,
Source : Le Monde
Date : 29/08/2000

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.