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La contribution française au budget de l'UE

La contribution française au budget communautaire


Quel est le montant de la participation française au budget communautaire ? En 1999, 91,1 milliards de francs - 13,9 milliards d’euros. Mais ceux qui avanceraient zéro, 50 ou 100 milliards n’auraient pas entièrement tord. Il faut en effet distinguer ce qui est voté, ce qui est versé, ce qui est compté... Comme le reconnaissait la Commission européenne en 1998, «eu égard à la complexité des finances de l’Union européenne, le système actuel (de financement) échappe pratiquement à la compréhension et au contrôle des citoyens ». La France répond à la lettre à ce jugement avec même un certain zèle puisque jamais l’évaluation de la participation française au budget communautaire n’a été aussi confuse qu’aujourd’hui.

Première évaluation : zéro. Les puristes diront en effet qu’il n’y a pas de contribution française à proprement parler puisque le budget de l’Union est financé par des « ressources propres », et non par des contributions nationales comme pour une organisation internationale classique. Une contribution nationale est une dépense de l’Etat, tandis qu’une ressource « propre » relève de la seule Communauté. Ce mode de financement, prévu dès 1957 par le traité fondateur, visait à rendre la Communauté indépendante des Etats membres. En outre, de même que l’on ne calcule pas combien l’Alsace ou la Bretagne verse au budget de la France, on ne calcule pas combien chaque Etat verse à l’Union. Un tel calcul ne pouvant conduire qu’à des querelles de boutiquier. Il n’y a donc pas lieu de chiffrer la participation française au budget européen.

Cette fiction juridique n’a guère résisté à la pression politique et la simple analyse. Trois catégories de ressources financent le budget communautaire : les ressources propres traditionnelles (RPT), constituées principalement des droits de douane et des prélèvements agricoles, une ressource assise sur la TVA et une dernière ressource, dite ressource PNB qui assure l’équilibre du budget, puisqu’elle est calculée par différence entre les dépenses du budget communautaire et les autres recettes. Tandis que les RPT sont de véritables impôts communautaires, les autres ressources qui assurent 85% du financement total, fussent-elles « propres » à l’Union, sont en réalité prélevées sur les recettes fiscales des Etats membres. La loi de finances évalue le total sous forme d’un prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne ». Depuis 1992, ce prélèvement donne lieu à un article spécifique dans la loi de fiances, voté par le Parlement comme n’importe quelle contribution. Une formule hybride qui ne satisfait personne. Ni le Parlement européen, qui y voit une « renationalisation » des ressources propres. Ni le Parlement français, qui, en réalité, se contente d’enregistrer une contribution non négociable et non amendable.

La deuxième évaluation est donc celle de la loi de finances : 99, 5 milliards de francs sont inscrits dans le projet de budget 2001. Il ne faut cependant pas trop se fier à ce montant, publié en septembre, qui n’est qu’une prévision fondée sur l’avant projet de budget (APB) communautaire, préparé par la Commission au démarrage de la procédure budgétaire annuelle en mai. Outre les correctifs techniques, liés aux éventuels reports de crédits du budget de l’année précédente, il y a évidemment des différences entre l’APB et le budget communautaire finalement exécuté, sur lequel seront fondées les contributions des Etats membres. Il y a donc toujours un écart entre la prévision votée dans la loi de fiances initiale, et l’exécution, votée dans la loi de règlement. Cet écart peut être important. Avant 1988, la tendance est à sous estimer la participation française au budget communautaire (en 1988 , la contribution définitive a dépassé de 18% la prévision initiale). Depuis 1988, date de la création de la ressource PNB, c’est la situation inverse qui prévaut et l’estimation initiale s’avère sur évaluée (en 1999, 91,1 milliards de francs ont été versés, contre 95,5 milliards prévus).

La loi de règlement - troisième évaluation- votée l’année qui suit l’exécution du budget français, donne en principe un chiffre définitif. Ce prélèvement a beaucoup augmenté sur longue période, mais de façon discontinue : 30,9 milliards de francs en 1984, 50 en 1987 (après l’élargissement de 1986), 64,5 en 1988 (suite à la création de la ressource PNB), 74,7 en 1991, 82,5 en 1994, 91,6 en 1998, en attendant le seuil des 100 milliards cers 2002.

La question est de savoir ce que l’on compte exactement, car en France même, différentes institutions ne comptent pas toujours la même chose. Le prélèvement inscrit dans la loi de finances recense les trois types de ressources ( RPT, TVA et PNB), mais d’autres modes de calcul sont possibles. Ainsi, la Cour des comptes française a toujours dénoncé l’inclusion des droits de douane parmi les recettes de l’Etat dès lors qu’il s’agit d’un véritable impôt communautaire et serait partisane de ne compter que les seules ressources TVA et PNB. Les comptes de la nation sont construits encore différemment mais la méthode a évolué avec le temps !.

Jusqu’à l’année dernière, le prélèvement communautaire figurant dans les comptes de la nation était calculé avec une approche très large, à partir des droits constatés c’est à dire des versements effectifs, incluant par exemple les remboursements au budget communautaire de dépenses irrégulières ou les versements directs au profit de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, ce qui entraînait – quatrième évaluation- un écart de 2 milliards de francs par rapport au montant de la loi de règlement.

Une modification beaucoup plus importante est intervenue en 1999 à l’occasion de la réforme du système européen de comptabilité. Désormais, la ressource PNB, la plus importante, est considérée comme une dépense de l’Etat et n’apparaît plus parmi les prélèvements communautaires au sens des comtes de la nation. Seuls les RPT et la TVA sont comptabilisés comme prélèvements européens, ce qui donne, -cinquième évaluation- 52,1 milliards de francs en 1999. Ainsi, tandis que la participation totale au budget communautaire augmente, le prélèvement évalué dans les comptes de la nation diminue au fur et à mesure que la ressource PNB augmente et se substitue aux autres recettes !

Un tel imbroglio ne peut que désespérer le citoyen européen. La volonté de transparence, pourtant régulièrement affichée est ici bafouée et mise en défaut. Un tel choix paraît contestable et même irresponsable. L’ordonnance de 1959 qui fonde et organise la procédure budgétaire française a incontestablement vieilli. Concernant les finances européennes , une amélioration semble indispensable.

Nota : Cet article est paru dans le Monde de l’économie du 17 octobre 2000. Depuis cette date, on peut noter deux éléments :
- L’évaluation du prélèvement au profit de l’Union européenne en 2003 a été de 15,8 milliards d’euros
- la réforme de l’ordonnance organique de 1959, évoquée en fin d’article et engagée par la loi organique relative aux lois de finances du 1°août 2001 (dite LOLF) n’a apporté aucune modification concernant l’évaluation de la contribution française au budget de l’UE.


Mots clés : contribution, participation, financement, ressource propre, loi de finances, ressource PNB, comptabilité publique, comptes de la nation
Source : Le Monde
Date : 17/10/2000

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.