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Les aides de l'UE après la tempête de décembre 1999

Les aides après la tempête


Et une, et deux, et trois tempêtes. Car c’est bien trois ouragans que l’Europe a connu en décembre 1999. Un premier au début du mois, en Mer du nord, a détruit 5 millions de m3 en Suède. Un deuxième, les 26 et 27 décembre, centrée sur la forêt noire (Bade Wurtenberg et Vosges) a mis à terre 50 millions de m3. Un troisième le lendemain, dans le sud ouest de la France, et le plus terrible sur le plan forestier. Au total, 150 millions de m3 de chablis, d’arbres abattus par le vent, dont 110 millions en France (on compte 300-350 m3 par hectare de forêt adulte). Ce devait être la fête, ce fut un désastre. Il nous rappelle, au tournant du millénaire informatique, notre vulnérabilité face aux éléments naturels. Des millions d’arbres abattus, des années pour réparer, un siècle de patience pour revenir à une situation comparable.

Quelle peut - être l’action de l’Union européenne dans ces circonstances ?

Les traités de l’Union européenne ne prévoient pas de politique forestière commune. Néanmoins, la conservation, le développement et la valorisation des forêts sont aux marges des politiques agricole, régionale, environnementale, industrielle, et l’Union s’est impliquée dans ce domaine par touches successives dérivées des autres portefeuilles.

En dépit d’une « stratégie forestière européenne », présentée par la Commission en 1998 suite à une résolution de Parlement européen en 1997, les crédits sont modestes et dispersés. On distingue cinq sources de financement. Les crédits de boisement des terres agricoles (458 millions d’euros en 1999), les crédits destinés à la prévention des incendies (16 millions d’euros), quelques crédits, mineurs sur le plan budgétaire, gérés par la direction chargée de l’environnement (sélection de zones protégées, projet d’éco label forestier...) et la direction de la recherche (surveillance des pollutions, suivi des écosystèmes...), et surtout les crédits issus des politiques régionales.

La plupart des politiques régionales ont un volet forestier. Mais chaque politique a sa spécificité. Les actions financées par le fonds de cohésion, réservé aux pays les moins riches de l’Union (Grèce, Portugal, Espagne, Irlande), s’inscrivent dans une logique écologique. Elles concernent notamment des opérations de reboisement dans le cadre de plans de lutte contre l’érosion et la désertification, décidés après une période de grande sécheresse. L’Espagne a bénéficié de 535 millions d’écus à ce titre entre 1993 et 1999. Les opérations financées dans le cadre des politiques structurelles en faveur des régions en retard de développement, et pour le développement des zones rurales) ont un objectif plus économique, orienté vers l’exploitation des forêts. Les fonds européens financent notamment des opérations et équipements d’élagage, l’amélioration des dessertes pour permettre une meilleure mobilisation du bois (financement de routes d’accès, à l’exception des routes dédiées à la protection des incendies qui ne sont pas éligibles aux fonds structurels), des recherches expérimentales sur des nouvelles essences... Ces aides, spécifiquement agricoles, sont complétées par des aides à l’industrialisation.

A l’exception des crédits du fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA -section orientation), les autres crédits forestiers ne sont pas individualisés et les évaluations ne peuvent être que grossières. Les services de la Commission estiment que, au cours des cinq dernières années, la forêt a bénéficié de près de 1,5 milliards d’écus au titre des fonds structurels et 590 millions au titre du fonds de cohésion. Toutes actions confondues, l’Union européenne consacrerait de l’ordre de 350 millions d’euros (2,3 milliards de francs) par an à ses forêts.

L’importance de l’aide communautaire par rapport aux dépenses forestières nationales est très variable selon les Etats membres et les régions. Cette part, qui peut atteindre 50% dans certains pays du fonds de cohésion, est globalement négligeable en France, de l’ordre de 2 à 3% des crédits nationaux. Néanmoins, le volet forestier peut représenter localement une fraction notable des aides régionales européennes. Ainsi, la région Aquitaine a reçu 230 millions de francs pour sa forêt sur la période 1994-1999.

Ces crédits européens peuvent-ils soutenir des replantations après des catastrophes naturelles ? Deux précédents permettent d’éclairer la réponse. Le premier est la tempête de 1990 qui avait abattu 102 millions de m3 de bois, dont 75 en Allemagne. Le pays n’avait bénéficié alors d’aucun crédit supplémentaire ni réaffecté les crédits structurels prévus au titre des politiques de développement régional. La programmation sur la période 1988-1992 avait été menée à terme. Deuxième exemple, les incendies de forêts qui ravagent chaque année 400.000 hectares notamment dans les pays du sud, bénéficiaires du fonds de cohésion. Là encore, il n’y eut aucun crédit spécifique ni réorientation des crédits programmés. Les plans de replantations destinées à la lutte contre l’érosion ont été respectés sans être infléchis par les incendies. Idem en France, les aides aux reboisements après les incendies sont financées en quasi totalité par les collectivités locales et le fonds forestier national, hors des procédures communautaires.

Il ne faut donc pas trop attendre des crédits communautaires. Jusqu'à présent, aucun des crédits forestiers décrits ci dessus n’a servi aux replantations, ni a fortiori, constitué une indemnisation ou un fonds de secours après une calamité naturelle.

En indiquant que « les crédits structurels pourront largement contribuer à la réhabilitation des zones sinistrées », M Michel Barnier, commissaire européen chargé de la politique régionale, a toutefois ouvert une brèche. La catastrophe intervient en effet au moment même où s’engage la procédure d’élaboration des documents de programmation des crédits structurels pour la période 2000-2006. Cette programmation pourra évidemment tenir compte des dégâts forestiers récents. Une part des crédits prévus pour le nouvel objectif 2 pourra dès lors être réorientée en ce sens. Le nouvel objectif 2 étant à la fois plus complet (puisqu’il regroupe les anciens objectifs 2, 5b, avec un volet pour la politique de la ville), mais moins doté que lors de la précédente programmation 1994 1999, l’inflexion en faveur des forêts ne peut cependant constituer qu’une réorientation à la marge.


Nota : cet article a été publié dans le Monde de l’économie du 1er février 2000. Depuis cette date, notamment en 2003, la France, le Portugal et d’autres Etats membres ont été gravement touchés par des inondations et des incendies, dont les ravages sont équivalents à ceux des incendies. Le même constat demeure : quoique sollicité, le budget communautaire est inadapté et peu réactif aux dépenses imprévues. Seule la réserve d’urgence, peut le cas échéant être appelée mais elle est budgétairement modeste et ne peut répondre aux attentes locales.


Mots clés : tempêtes, incendies, aides européennes, forêt, catastrophe naturelle,
Source : Le Monde
Date : 01/02/2000

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.