FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

La communauté coûte -t-elle cher ?

L’argument budgétaire peut-il intervenir dans la campagne référendaire ?
(La Communauté coûte-t-elle cher ?)

L’argument budgétaire n’est pas encore intervenu dans la campagne référendaire. Même s’il n’a aucun lien avec la Constitution, nul doute qu’il sera évoqué à un moment ou à un autre. Il est trop tentant pour être oublié, mais aussi trop important pour être négligé. L’analyse budgétaire ravira et désolera à la fois tous les camps : aujourd’hui, l’Europe ne coûte pas cher, mais il est vraisemblable que demain, elle coûtera de plus en plus.

Non, l’Europe ne coûte pas cher. Le niveau de dépenses est très faible. Le budget communautaire,106 milliards d’euros en crédits de paiements, représente le montant moyen du budget d’un Etat membre, soit un peu moins de 1% du produit national brut (PNB) total de l’Union européenne (UE), très en dessous du montant maximum autorisé par les Etats membres (1,24 % du PNB). Les dépenses de fonctionnement sont très faibles par comparaison aux budgets nationaux (5% dans l’UE contre 38% en France). Le budget UE octroie surtout des subventions aux agriculteurs et aux régions d’Europe. Sur le plan budgétaire, l’Europe n’est donc en rien le super Etat tentaculaire parfois brocardé. Bien plus, il peut servir de modèle à bien des Etats puisqu’il n’a pas de dette, la programmation financière est rigoureuse et le budget voté est fidèlement exécuté, ce qui change de certaines pratiques nationales.

La France est mal placée pour critiquer le coût. Elle est même dans une position assez enviable. Deuxième contributeur au budget (derrière l’Allemagne), sa part dans le financement est pratiquement proportionnelle à sa part dans le PIB total, soit 16, 4% du budget total. Le montant versé au budget UE figure dans la note accompagnant la déclaration de revenus : 15,6 milliards d’euros en 2005, prélevés principalement sur le produits des impôts nationaux soit 260 euros par Français. Les avantages de la France viennent surtout des retours dont elle bénéficie, qui sont supérieurs à ceux des pays comparables. Grâce aux 9 à 10 milliards annuels des crédits de la politique agricole commune (PAC), la France est deuxième bénéficiaire des dépenses réparties entre les Etats membres (derrière l’Espagne) avec 16, 5 % du total. Ainsi le coût net, qui tient compte des dépenses européennes en France, est assez modeste : -2 milliards d’euros en moyenne annuelle sur les trois dernières années connues soit 0,14 % du PIB français. Par comparaison, la contribution nette de l’Allemagne se monte à 55 milliards d’euros en sept ans, celle des Pays Bas représente 0,5 % de son PIB.

Certes, l’efficacité des dépenses est discutable (le relais communautaire est- il toujours nécessaire ?), certains mécanismes budgétaires sont extravagants (avec l’ajustement automatique des recettes aux dépenses, le Parlement européen est le seul Parlement au monde qui n’a pas à se soucier du financement des dépenses qu’il vote), la gestion des dépenses est perfectible (dans quel Etat ne l’est-elle pas ?), mais le budget communautaire a été un extraordinaire facteur de solidarité, d’innovation et d’intégration. L’Europe ne coûte pas cher et apporte beaucoup.

L’avenir est cependant plus troublé. La négociation du futur cadre financier qui couvrira la période 2007-2013 sera le premier test d’une évolution redoutée.

Tout d’abord, il est certain que la France va perdre ses avantages. Pour de nombreux partenaires, la France est « une anomalie budgétaire ». Son atout agricole jouera de moins en moins. Grâce à l’accord conclu à Bruxelles en juillet 2002, la France a pu se réjouir d’avoir sauvé la PAC jusqu’en 2013, mais globalement, la dépense prévue pour Quinze se partagera désormais à Vingt-cinq. En outre, le système d’aides aux revenus en compensation des baisses de prix imposées par l’UE, condamne à terme la PAC. Les soutiens aux productions avaient des inconvénients (en favorisant les surproductions) mais avaient du sens, alors que les aides aux revenus des agriculteurs sont contestables dans leur principe même. Pourquoi subventionner les revenus d’une profession plutôt qu’une autre? Les soutiens communautaires, de moins en moins fondés, seront tôt ou tard rognés.

Les fonds structurels accordés aux régions françaises (15 milliards d’euros entre 2000 et 2006) sont eux aussi compromis. Devant l’ampleur des besoins des nouveaux Etats membres, les subventions aux régions en difficultés des Etats riches sont menacées. Certes, ce n’est pas encore le cas et la Commission a bien prévu de réserver une part significative des futurs fonds structurels à la croissance des régions, mais il est probable que cette dotation sera revue à la baisse. La France serait alors la première victime de cet arbitrage en faveur des nouveaux entrants.

Ce n’est pas le seul effet de l’élargissement. Les premières dépense liées à l’élargissement chiffrées à Copenhague en décembre 2002 pour les années 2004 à 2006sont très faibles : 15 euros par habitant et par an. Le coût après 2007 a été évalué par l’Institut français des relations internationales : 75 euros par habitant et par an, soit cinq fois plus que le coût initial. Compte tenu de sa part dans le financement du budget, le coût pour la France sera même plutôt voisin de 100 euros par habitant. Ce n’est pas excessif pour une responsabilité historique, mais ce n’est plus aussi insignifiant. Quand un débat s’engage sur le terrain politique, tous les arguments remontent, même les mauvais et ceux qu’on aurait aimé évité. Surtout ceux qu’on aurait aimé évité.


Mots clés : budget UE, dépenses européennes, coût, coût brut, coût net, retours, position de la France, coût de l'élargissement.
Source : Le Monde
Date : 5/04/2005

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.