FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

Nicolas Hulot et la PAC

La réforme de la politique agricole commune (PAC) de 2003 dite du découplage n’a rien arrangé. Désormais, un droit de paiement unique –DPU- est calculé par rapport aux revenus antérieurs de l’agriculteur, indépendamment -découplé- des productions. Pour le candidat écologiste, le mérite de la réforme est d’arrêter la course à la productivité, mais l’éco conditionnalité, qui subordonne les DPU au respect de critères environnementaux, est inapplicable, et le système d’aides aux revenus place les producteurs en position d’assistés. Ainsi, « les aides actuelles sont considérables (43 Mds€ dans le budget 2006) et ne satisfont personne ». Nicolas Hulot, comme inspiré par Gordon Brown, le nouveau leader du parti travailliste, et José Bové, scelle le sort de la PAC.

 

            Si le seul prisme écologique est réducteur pour dresser le bilan de la PAC,et si les critiques contre les exportations subventionnées sont éculées et dépassées, il est vrai que la PAC actuelle, même réformée, voire surtout depuis qu’elle a été réformée, est dans une impasse. La PAC originelle n’était pas exempte d’effets pervers mais a elle avait du sens. La nouvelle PAC transformée pour l’essentiel en une simple aide aux revenus d’une fraction de la population, n’en a plus. La PAC a été dynamitée de l’intérieur par ceux qui ont voulu la changer.

 

            Face à cette « situation insoutenable », il faut changer de politique et « changer la destination des aides ». La PAC -politique agricole commune- est morte, vive la PAC -la politique d’aide aux consommateurs.

 

            L’idée consiste à transférer les crédits de la PAC à la restauration collective gérée par les collectivités locales -cantines scolaires, hôpitaux, maisons de retraite-, en d’autres termes basculer d’un système d’aide au producteur à un système d’aide au consommateur. En France, ce marché représente 2,6 milliards de repas par an, le prix d’achat moyen des marchandises est de 1,40€ par repas. Ce prix serait majoré de 3 € (très au-delà du prix optimum estimé par les professionnels de 1,70€ par repas). Bien entendu, l’organisation de ce marché se ferait sur la base d’un cahier des charges défini par les gestionnaires, les agriculteurs, les associations de consommateurs et de parents d’élèves, qui privilégierait l’agriculture de qualité et favoriserait les achats de proximité. Tout le monde y gagnerait : le consommateur qui mangerait des produits labellisés et du terroir, l’environnement, puisqu’il y aurait moins de dépenses d’énergie, et l’agriculteur qui retrouverait une rémunération par les prix.

 

            La mise en œuvre du projet paraît cependant difficile. Le système actuel des DPU est sans doute malsain mais il repose sur des critères objectifs. La proposition donne le pouvoir de décision aux commissions locales. Il est peu probable que les agriculteurs et les maires acceptent volontiers cette procédure et cette responsabilité. Ensuite, à part en France, la restauration collective en gestion directe est très peu répandue en Europe. Soit, comme en Allemagne ou en Italie, les enfants déjeunent chez eux, soit les cantines sont gérées par des sociétés privées. Curieusement, alors que Nicolas Hulot est probablement celui des candidats qui a une vraie vision mondiale des problèmes, sa solution est locale et part de l’idée que ce que fait la France convient à l’Europe. Enfin, le système proposé s’apparente à un protectionnisme déguisé totalement contraire aux règles européennes.

 
            La proposition de Nicolas Hulot n’a que peu de chance d’être adoptée par nos partenaires européens. A moins, peut être, de renationaliser totalement la PAC. C’est bien l’enjeu de la prochaine négociation de 2008.


Mots clés : Nicolas Hulot
Source : Le Monde
Date : 12/12/2006

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.