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L'aide humanitaire européenne

L’aide humanitaire européenne



En créant en 1991, l’office humanitaire de la Communauté européenne - ECHO-, la Commission ne pensait sans doute pas qu’il deviendrait l’un des services les plus connus et les plus sollicités de l’Union européenne. Le drame du Kosovo n’est que le dernier d’une liste déjà longue de crises qui se sont multipliées depuis huit ans entraînant des déplacements massifs de populations et des aides européennes : Somalie, Angola, Rwanda et, bien sur, toutes les composantes ou régions de l’ex Yougoslavie. Au cours de ces dernières années, la Communauté européenne et les Etats membres ont fourni la moitié de l’aide humanitaire mondiale.

Description d’ECHO

ECHO est un service relativement léger (120 personnes) qui regroupe des crédits dispersés avant 1991 entre différents chapitres du budget européen et du Fonds européen de développement (518 millions d’euros en 1998). Les crédits budgétaires d’ECHO sont des dépenses non obligatoires, et sont par conséquent fixées par le Parlement européen (PE). Depuis 1993, les crédits Echo peuvent également être abondés par la “ réserve d’aide d’urgence ”. Cette procédure, créée par le Conseil européen d’Edimbourg en 1992, requiert une décision conjointe du Conseil et du PE. Par la suite, sauf exception, ni l’un ni l’autre n’intervient dans la gestion. La procédure a été fixée par un règlement du Conseil en 1996. Les dépenses sont réparties par la Commission après avis d’un comité consultatif composé des représentants des Etats membres. Echo finance des dépenses d’équipements (matériel médical), de personnels, ou de fournitures (médicaments, achats de produits alimentaires…). Dans la quasi totalité des cas, Echo n’a pas d’action directe sur le terrain mais se borne à répartir les crédits entre partenaires liés par des “ contrats cadres de partenariat ”. Plus de 85% des crédits vont aux organisations internationales et surtout aux organisations non gouvernementales (ONG).

Bien réputées, bien établies, bénéficiant de l’expérience et de la tradition du “ french doctor ”, les ONG françaises ont reçu à elles seules le tiers des crédits attribués aux ONG soit 590 millions d’euros en sept ans (3,9 milliards de francs). Pour ces dernières, les crédits européens représentent une ressource importante voire déterminante à certaines occasions : 20% des ressources de “ Médecins sans frontière ”, 25% de “ Médecins du monde ” en 1997, et même 95% de l’association Aznavour pour l’Arménie, au début des années 90.

Entre 1992 et 1998, Echo a réparti 4,5 milliards d’euros (26,5 milliards de francs), dont 40%, soit 1,6 milliards d’euros (10,6 milliards de francs), en direction de l’ex Yougoslavie.

Les difficultés de gestion

Cette action européenne ne va pas sans poser quelques difficultés. La coordination interne s’est améliorée mais reste insuffisante. L’action humanitaire peut également venir de l’aide régionale (Phare) et il est arrivé que certaines opérations soient financées par plusieurs services en même temps. En revanche, cela fait déjà longtemps que l’aide alimentaire est totalement indépendante de la situation agricole en Europe et n’est plus un moyen de répartir ses excédents. La Communauté privilégie les achats directs de proximité. La coordination avec les organisations internationales et les Etats membres est plus délicate. Normalement, lorsqu' ECHO et les Etats membres financent conjointement les opérations d’une ONG, ils doivent échanger des informations et coordonner leurs efforts. Mais, selon l’expression de la Cour des Comptes, “cette complémentarité demeure très en deçà des positions de principe régulièrement réaffirmées ”. Depuis 1997, une nouvelle procédure a été mise en œuvre connue sous le nom de “ fax 14 points ” par lequel les Etats membres communiquent à la Commission les actions envisagées afin d’améliorer leur complémentarité.

Les conditions de gestion sont également ambiguës. Echo a fréquemment recours à des “ personnels non statutaires ” ou des “ assistants techniques ”, chargés d’estimer les besoins, de contrôler les partenaires mettant en œuvre les opérations sur le terrain. Ces assistants, environ 80 personnes choisies sans critère de sélection particulier, assument en pratique les fonctions de la Commission et sont les véritables pivots de l’action humanitaire. Leur importance est de plus en plus fréquemment dénoncée et leur efficacité est quelquefois mise en doute.

Sans oublier que l’aide humanitaire est aussi un “ business ” et réserve parfois quelques surprises. Les masses en jeu étant considérables, les convoitises sont attisées et les dérives sont inévitables. On se souvient qu’un rapport de l’UCLAF, qui portait précisément sur les irrégularités et avantages indus des personnels non statutaires d’ECHO en ex-Yougoslavie, fut l’un des déclencheurs de la dernière crise entre le PE et la Commission. L’urgence et la distance aidant, il arrive aussi que les procédures, qui sont autant de garanties, soient allégées ou contournées. Le partenaire sous traite à son tour ou conclue des contrats sans toujours vérifier ou mettre en concurrence ses fournisseurs. Il faut attendre les contrôles pour qu’Echo s’étonne alors que “ certains de ses partenaires pratiquent des salaires extrêmement généreux ” et que certains contrats sont en effet exceptionnels. C’est notamment le cas des contrats de fournitures et de transport des marchandises, les plus exposés à de tels abus (tel un contrat “ clé en mains ” de fournitures de colis alimentaires en Serbie entre 1992 et 1994 pour 48,5 millions d’écus - 325 millions de francs).

En dépit de ces dérives, Echo fonctionne plutôt bien, les crédits importants permettent des actions nombreuses et arrivent sans délai. En général, ni les principes ni les contrats ne sont en cause. L’expérience montre que la principale difficulté sur le terrain est de “ ne pas se laisser attendrir et ne pas se laisser intimider ”. C’est la neutralité qui est le plus difficile à respecter.

Mais l’Europe dispose désormais d’un poids financier et d’une expérience qui lui permet d’occuper une place de premier rang. Dans les moments critiques, quand des familles n’ont plus rien, l’aide humanitaire a un rôle énorme à jouer. Depuis le début de l’année, 400 millions d’euros (2,62 milliards de francs) ont été décidés en faveur des réfugiés du Kosovo. 182 millions d’euros de la part de la Commission, 218 de la part des Etats membres.


Mots clés : aide humanitaire, ECHO, urgence, ONG, Kosovo, ex Yougoslavie, MSF,UCLAF,
Source : Le Monde
Date : 25/05/1999

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.