FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

L'observation par satellite

L’observation de la terre par satellites


L’Europe occupe une place de premier plan dans les techniques optiques et radar d’observation de la terre. Pour se limiter aux applications civiles, cette observation passe par trois relais : le recueil de données météo par les satellites géostationnaires (à 36.000 km) - météosat 1 à 7 pour un coût de l’ordre de 1 milliard d’écus, tous coûts confondus (segment spatial et traitement au sol), répartis entre dix sept Etats dont environ 18% pour la France - ; l’observation optique en orbite basse (830 km) - satellites SPOT 1 à 4 soit 2,1 milliards d’écus au total répartis entre trois Etats dont 90% financés par la France - ; l’observation radar - satellites ERS 1 et 2 de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) soit 1,5 milliard d’écus, répartis entre quatorze Etats membres dont 23% pour la France -. Tous ces programmes multinationaux relèvent de la coopération intergouvernementale, avec des contributions des Etats variables selon les projets. Les satellites de nouvelle génération tels que les satellites météo MSG et METOP, SPOT 5, ou ENVISAT qui succédera à ERS 2 (6,5 milliards d’euros au total) restent fondés sur cette approche.

Le contrôle des dépenses, première application de l’observation par satellite

Quel a été le rôle de l’Union européenne dans ces actions ? Il faut distinguer les outils, c’est à dire les instruments d’observation, et les applications. Jusqu'à présent, l’Union n’a apporté pratiquement aucun financement à ces programmes à l’exception de Végétation, un instrument d’observation du couvert végétal, embarqué sur le satellite Spot 4. Le coût de développement de Végétation 1 et 2 est de 145 millions d’euros dont 40% financés par l’Europe. Le coût d’exploitation (6,8 millions d’euros) est à la charge des Etats cofinanceurs de Spot. L’observation a été associée plus régulièrement à trois politiques communautaires : l’agriculture, l’environnement et la recherche. Tout aurait démarré au début des années 80 lorsque des fonctionnaires européens « exposés à des risques physiques », durent renoncer à un contrôle d’oliveraies en Italie et demandèrent au Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) ce que les satellites pouvaient faire dans ce domaine. On ne sait si l’anecdote, rapportée par M. André Lebeau, ancien président du CNES, est vraie, mais le fait est que le secteur spatial a été abordé par la Communauté européenne dans une optique de contrôle.

Cet intérêt s’est traduit en 1988 par le lancement du programme MARS - Monitoring Agricultural Remote System - un programme de télédétection par images satellites, destiné à élaborer des statistiques et contrôler les subventions agricoles. Cette seconde utilisation est devenue prioritaire avec la réforme de la politique agricole commune en 1992 puisque les subventions furent désormais calculées à l’hectare et non plus par rapport aux quantités produites. 3,1 millions de demandes sont déposées chaque année par les agriculteurs dont 5% au minimum doivent être contrôlées sur place. L’image satellite n’est pas utilisée pour compter les oliviers ou les vaches, elle ne se substitue pas non plus aux contrôles physiques des parcelles mais elle permet de mieux les cibler. 7 contrôles sur 10 sont aujourd’hui préparés par la télédétection par avion ou satellite. 114 millions d’écus ont été dépensés pour cette action en dix ans dont les deux tiers ont été financés par l’Union. L’achat d’images ne représente aujourd’hui que 7% du coût total, le reste étant le coût de traitement. La prise en charge par la Commission a été dégressive. La Commission a financé intégralement ce programme jusqu’en 1994, puis n’a pris en charge que l’achat d’images et 50% du coût d’analyse. Depuis 1999, la Commission ne paye que les images (1,7 million d’euros par an), le traitement étant à la charge des Etats membres. Au cours des trois dernières années, la Commission a acheté des images d’origine européenne (Spot et ERS) dans les deux tiers des cas ; les autres images venant des satellites américain (Landsat), indien et canadien.

Les satellites au service de l’environnement

L’environnement a été l’autre application importante des images satellites. Outre quelques démonstrations, telles que le projet FUEGO de détection des feux de forêt par satellite, la principale réalisation a été le programme CORINE ( COoRdination de l’INformation pour l’Environnement) qui a pour objet de fournir des informations géographiques homogènes sur l’occupation des sols en Europe. Sur le même principe que MARS, la Commission achète les images Spot ou Landsat et participe aux dépenses d’analyse dans des proportions variables selon les Etats et de façon dégressive. Démarré en 1988, un premier inventaire a été achevé en 1996. Le coût de Corine 1 a été de 20 millions d’écus dont 20% financés par l’Union. Après de nombreuses hésitations, le programme sera prolongé par un Corine 2 mais cette fois sans Spot, qui ne peut faire face aux tarifs imbattables (« bradés » ) du satellite Landsat 7, nouvelle arme de la domination américaine. Le coût est estimé entre 10 et 15 millions d’euros.


Les années 1999/2000 marquent un tournant. Jusque là, les applications de l’observation par satellite ont été limitées mais la technologie est en plein essor. L’outil existe, il ne reste qu’à l’exploiter. Pour lutter contre la pollution maritime par exemple, car un dégazage de pétrolier se détecte au radar dans toutes les conditions météo, de jour comme de nuit. Un nouveau projet, baptisé RAMSES, vise à détecter les nappes d’hydrocarbures en Méditerranée. Mais il ne suffit pas d’observer, il faut aussi vérifier, puis appréhender et sanctionner le contrevenant. Bien peu l’on fait jusque là. En 1991, l’année de son lancement, ERS repéra un dégazage de nuit entre la Corse et la Sardaigne, route interdite aux pétroliers. Faute de coordination et de réactivité, l’image de la double infraction ne fut pas exploitée. Les premières utilisations sont à chercher hors de l’Union, en Norvège par exemple et surtout à Singapour. En 1996, ERS sort une image de dégazage. Les autorités locales réagissent, font des prélèvements en mer et dans la soute. Les condamnations dépasseront 1 million de dollars et 13 mois d’emprisonnement.

L’Union européenne et l’ESA doivent définir prochainement une stratégie commune pour l’espace. La surveillance et la sécurité environnementales peuvent être des objectifs assignés à l’observation. Une décision est attendue en fin d’année, pendant la présidence française de l’Union.


Mots clés : satellites, télédétection, ERS, MARS, CORINE, SPOT, agence spatiale européenne, politique internes, contrôle des dépenses agricoles, surveillance environnementale, dégazage.
Source : Le Monde
Date : 06/06/2000

Rubriques

Recherche


S'abonner & partager

A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.