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L'UE et l'espace

L’UE et l’espace 

(paru dans le Monde éco du 22 juin 1999 sous le titre
le temps de l’espace)



La politique de l’Union européenne vis-à-vis de l’espace se résume en une question simple : comment passer de MARS à GALILEO ? MARS étant un programme de contrôle des surfaces cultivées par images satellites, et GALILEO étant le grand projet européen d’aide à la navigation par satellites, il s’agit en d’autres termes, de savoir comment passer d’une utilisation marginale de l’espace à une politique stratégique.

L’évolution des conceptions de UE vis à vis de l’espace

L’espace ne figure pas parmi les politiques communautaires. L’histoire, la géographie, la recherche d’une cohésion économique et sociale, et la grande ambition de l’Euro, ont imposé à l’Union d’autres choix. L’espace est du domaine de la coopération intergouvernementale. L’Agence spatiale européenne (ESA) est totalement distincte de l’Union, tant dans sa composition que dans son fonctionnement. Les Etats financent les principaux programmes au coup par coup, en fonction de leur intérêt particulier et du retour industriel qu’ils peuvent espérer. On est donc très loin des règles communautaires.

Jusqu’à ces dernières années, la Commission était simplement utilisatrice de l’espace qui offrait un service adapté à certains de ses besoins. L’environnement a été la première application. Le programme CORINE , développé à partir de 1984, visait à confectionner un inventaire cartographique à partir de traitements d’images prises par satellite. La couverture de l’Europe a été achevée en 1996. L’agriculture a été la seconde grande application. MARS est un programme de télédétection par satellite développée à partir de 1988 et surtout utilisé pour accompagner la réforme de la politique agricole commune. Les images étaient achetées par la Commission à des fournisseurs (européen et/ou américain), et exploitées par les Etats pour contrôler les superficies déclarées par les agriculteurs. Cette dernière application a incité l’Union à co financer avec quelques Etats membres, un instrument d’observation spécifique embarqué sur le satellite SPOT. Cet instrument, dit VEGETATION, a été le premier investissement de l’Union dans l’espace. Le coût de ce programme, étalé entre 1992 et 1997, a été de 110 millions d’euros (Meuros) dont 51 financés par l’Union.

Face à ces utilisations marginales, l’Europe se prépare à des boulversements. Depuis dix ans déjà, la Commission et quelques parlementaires européens cherchaient en vain à impliquer l’Union au développement de l’espace. L’espace restait du domaine exclusif des Etats, il n’apparaît explicitement dans aucun des programmes cadre de recherche de la Communauté. Les deux premières communications de la Commission sur l’espace, en 1988 et 1992, ne résistent pas à la crise, à l’abandon des grands programmes spatiaux (Hermes) et la routine des vols habités. L’espace ne fait plus rêver, l’espace est trop cher. C’est la fin du mythe spatial.

Le mythe a vécu. Il reste le marché. Notamment celui du système de navigation et positionnement par satellite dont les enjeux économiques et stratégiques sont considérables. Avec la diversification des applications dans le domaine des transports (avions, navires, automobiles...), le seul marché des équipements devrait passer de 477 millions d’écus en 1994 à 4 milliards d’euros en 2000 et entre 25 (chiffrage de 1996) et 40 milliards d’euros (évaluation de 1998) en 2005. Le système est aujourd’hui dominé par le GPS américain, développé à des fins militaires et mis gratuitement à la disposition des utilisateurs civils.

C’est dans ce contexte que se situe la troisième communication de la Commission sur l’espace, fin 1996. Ce sera la bonne. Les enjeux sont clairs. Le retard européen est patent, les dérives du monopole (normes, accès, sécurité) sont possibles. Le besoin est identifié. L’objectif est de créer un système de navigation par satellite visant à réduire, pour des raisons économiques et stratégiques, la dépendance de l’Europe vis-à-vis du GPS américain. L’ESA et la Commission élaborent un plan d’action. Ce sera d’abord le GNSS -Global Navigation Satellite System- transformé début 1999 en programme GALILEO. Un système de 24 ou 36 satellites assurant une couverture planétaire avec une précision inférieure à 10 mètres. Le coût est estimé entre 2,2 et 2,9 milliards d’euros.

Le difficile financement de Galiléo

Le financement serait partagé sur le principe du « public private partnership » ou « PPP ». Une action de ce type ne peut évidemment pas se passer de financements publics. La nouveauté réside dans le cofinancement entre l’Union et l’ESA. Une première phase de définition de 18 mois, est évaluée à 80 Meuros, financés par moitié entre l’ESA et l’Union. Une fois n’est pas coutume, les Etats membres de l’ESA ont dores et déjà sursouscrit leur part. 40 Meuros étaient attendus, 58 ont été souscrits sans que l’on puisse déterminer à ce jour à quoi servira le solde. L’Union devrait verser sa contribution de 40 Meuros comme prévu, prélevée sur la dotation du 5° PCRD . Les problèmes se posent surtout pour la seconde phase, dite de développement, qui s’échelonnerait entre 2000 et 2006. D’abord, le partage ESA/Union n’est pas fait. L’ESA a annoncé son intention de mettre 500 Meuros au total dans le programme (y compris la part de la première phase) mais l’Union attend pour se prononcer. Ensuite, où imputer la dépense dans le budget communautaire? La Commission estime que 10% des crédits consacrés aux réseaux transeuropéens pourraient être affectés à ce programme. Il s’agirait donc d’un redéploiement interne entre crédits des transports. Le Parlement européen, les ministres concernés seront-ils prêts, le moment venu, à basculer les crédits des routes et du fer sur le guidage par satellites ?

Reste l’inconnue de la part privée. Plusieurs formules sont évoquées. Soit la taxation des récepteurs, simple mais avec de lourds contentieux en perpective (puisque même ceux qui utilisent les services gratuits du GPS seraient taxés), soit un système par abonnement avec un service de base gratuit et un accès payant pour un service avancé (précision du point localisé) ou pour l’accès aux tiers (« voie retour » qui permet une localisation par un tiers). De toutes façons, même en proposant des services supérieurs, il ne sera pas facile de lutter contre un concurrent gratuit. C’était d’ailleurs certainement le pari américain.


Mots clés : Galiléo, satellite, agence spatiale européenne, MARS, ESA, ASE, navigation par satellite, GPS, réseaux transeuropéens
Source : Le Monde éco
Date : 22/06/1999

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.