FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

Les dépenses destinées à la protection de l'environnement

L’Union européenne et les dépenses de protection de l’environnement


Depuis qu’elle est devenue une politique communautaire, en 1986, la politique de l’environnement n’a cessé de s’affirmer, tant au niveau des principes puisque le traité de Maastricht en fait l’un des objectifs prioritaires de l’Union, que par la diversité de ses interventions. L’Union intervient à deux titres. Sur le plan juridique, par l’édiction de normes, et sur le plan budgétaire, par l’octroi de concours financiers à des actions liées directement ou indirectement à la protection de l’environnement. La voie fiscale, sous la forme d’un projet de taxation des activités polluantes, a été entrouverte mais a vite été refermée, tant les oppositions étaient nombreuses (la décision finale incomberait d’ailleurs aux Etats), mais le dossier reste dans les cartons.

Ce courant ne peut que s’amplifier sous le double effet de la pression des écologistes, pour lesquels les élections européennes ont toujours été une plate-forme, et parce que beaucoup considèrent que l’environnement est une politique « naturelle » de l’Union, puisque les questions traitées sont, par essence même, transversales et transfrontières. Sans compter que l’implication de la Communauté dans ce domaine lui donne en général une image positive et valorisante. Mais qui trop embrasse... Car, à regarder de plus près, la politique de l’environnement révèle quelques surprises.

- L’action budgétaire et la dispersion des crédits

D’abord, les chiffres. Même s’il existe un commissaire européen chargé de l’environnement ( Mme Ritt Bjerregaard, du Danemark), une direction générale (la DG XI), un titre spécifique dans le traité (titre XVI), des instruments budgétaires particuliers, il n’existe pas de budget de l’environnement proprement dit. Les crédits sont éclatés et bien peu savent en vérité, combien l’Union consacre à cette action. Tentons une évaluation. On compte au moins huit sources de financement de trois pôles distincts. Le premier est celui des politiques structurelles. Près de 9% des fonds structurels, près de la moitié du fonds de cohésion (réservé à l’Irlande, la Grèce, l’Espagne et le Portugal), une part de la majorité des « initiatives communautaires », sont affectés à des soutiens à l’environnement. Le deuxième est celui des politiques internes dont plusieurs concernent l’environnement. Il existe tout d’abord deux programmes spécifiques (5°programme en matière d’environnement et instrument financier Life) auxquels s’ajoutent une part des crédits du PCRD (programme cadre de recherche développement) et d’autres programmes internes plus mineurs (Save...). Il existe enfin, le volet agri environnemental de la PAC, en forte croissance. L’ensemble représente une enveloppe annuelle globale de l’ordre de 5,1 milliards d’euros ( 33,5 milliards de francs) pour l’ensemble des Quinze, dont environ 3,2 milliards de francs pour la France. (950 millions hors dépenses agricoles).

Toutes ces dotations constituent un ensemble particulièrement dense qui permet de financer des équipements, des expérimentations, des actions de mobilisation et d’information, des études, des recherches, des projets innovants, publics ou privés... Un ensemble dense mais complexe, car ces crédits suivent des réglementations, des circuits de financement, des procédures propres, et sont gérés par des directions différentes qui obéissent à des logiques et poursuivent des buts distincts. Les distinctions entre crédits ne sont pas toujours comprises. Les succès sont variables. Des incohérences peuvent également apparaître avec les autres politiques (destruction massive de fruits et légumes générant de graves problèmes de pollution, soutien à des infrastructures sans étude d’impact environnemental...). Sans compter les irrégularités et autres surprises révélées à l’occasion des contrôles. De telle sorte que les masses en jeu, loin d’impressionner, laissent plutôt un sentiment de dispersion, de saupoudrage pas toujours maîtrisé.

- L’action normative

Cet enjeu financier non négligeable est doublé d’un enjeu juridique tout aussi important. L’activité normative en matière d’environnement prend une ampleur toujours plus grande. Depuis 1973, quelque 40 directives sur les déchets, 20 directives sur la qualité de l’eau ont été adoptées (traitement des eaux urbaines, pollution contre les nitrates, boues,...). Ces directives ont une importance fondamentale pour les Etats membres, en particulier pour les collectivités locales, les premières exposées sur ce terrain. Parfois, la seule annonce d’un changement dans la réglementation européenne suffit à bloquer les projets dans un pays, comme c’est le cas pour la future directive sur les normes d’émission de dioxines applicables aux incinérateurs. Selon la cour des comptes européenne, le coût de mise en oeuvre de la seule directive sur le traitement des eaux urbaines représenterait pour la France, 80 milliards de francs. La non transposition ou la non application des directives peut également entraîner des pénalités. La Commission a demandé une pénalité de 700.000 francs par jour pour non transposition d’une directive de 1979 relative à la protection des espèces (le contentieux porte sur le bruant ortolan, chassé dans le sud ouest). On mesure ainsi toute l’importance de ce volet « environnement ». Ainsi, la Communauté aide et finance, mais aussi impose et coûte.

Ces actions doivent être rappelées aujourd'hui, car, dans la grande majorité des cas, elles relèvent désormais, pour tout ou partie, de la compétence du Parlement européen (P.E.). Sur le plan budgétaire, si les projets particuliers relèvent d’une discussion Commission - Etat membre, les grandes orientations sont fixées par un accord inter institutionnel auquel participe le P.E., et les dépenses annuelles des politiques internes et structurelles sont des dépenses non obligatoires sur lesquelles le P.E. a le dernier mot. Sur le plan institutionnel, les pouvoirs du P.E. ont été progressivement renforcés. Jusqu’à présent, les réglementations reposaient principalement sur le Conseil, le PE étant associé à la décision par la seule coopération (art 130 S). Depuis le traité d’Amsterdam, la réglementation dans le domaine de l’environnement relève pour l’essentiel de la procédure de codécision (P.E.-Conseil). Le P.E est ainsi passé d’une situation de co administrateur à une situation de co décideur.

De gros chantiers s’ouvrent à lui. Crédits mal connus, procédures complexes, réglementations successives donnent une impression générale d’une toile quasi hermétique dans laquelle nombre de responsables se perdent. L’environnement est affaire de spécialiste alors qu’il pourrait être l’affaire de tous. Beaucoup renoncent ou dénoncent. Des améliorations sont possibles. Tantôt bénéficiaires, tantôt « victimes », les collectivités attendent un juste milieu.


Mots clés : environnement, protection de l'environnement, LIFE, éparpillement des crédits, application des directives, collectivités locales
Source : Le Monde
Date : 02/03/1999

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.