FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

Les jumelages européens

Les deux principales politiques européennes consacrées à l’agriculture et la politique régionale, qui absorbent plus des deux tiers du budget communautaire, sont des instruments de soutien aux revenus ou au développement mais ne sont pratiquement en rien des politiques transversales. Certes, la politique de recherche vise aussi à faire travailler ensemble les chercheurs des Etats, mais la coopération est alors trop systématique et les centres de recherche peinent à trouver les partenaires techniquement utiles et géographiquement dosés (deux anciens EM, deux nouveaux EM, un futur EM…) qui rendront le projet éligible aux fonds européens. Le succès des jumelages européens n’en est que plus appréciable.

 

            Le jumelage consiste à détacher des experts des administrations des EM auprès des administrations d’autres pays. La formule mise en œuvre en 1998 était destinée à « renforcer la capacité administrative et institutionnelle » (institution building) des Etats candidats, c’est à dire à les aider à se doter d’une administration apte à faire respecter le droit communautaire et, accessoirement, à gérer les fonds européens qui leur seraient alloués. Depuis 2004, la pratique a été étendue à d’autres Etats dans le cadre de la politique de voisinage de l’UE.

 

            Les jumelages se distinguent de l’assistance technique bilatérale en ce sens qu’ils excluent la fourniture d’équipements et que les actions de formations ont été progressivement délaissées après que la Cour des comptes européenne a relevé que, sitôt formés, les personnels rejoignaient le secteur privé, beaucoup plus rémunérateur que la fonction publique. Il s’agit aujourd’hui surtout de transmettre une expérience et une méthodologie aux administrations des autres Etats.

 

            La demande de jumelage, l’identification des besoins et la sélection des propositions des EM reposent sur le pays bénéficiaire. Dans deux cas sur trois, le jumelage est binaire -un EM et un Etat tiers- mais il peut y avoir des jumelages à plusieurs, associant un chef de file et des junior partner. Ce rôle revient souvent aux pays d’Europe orientale, forts de leur double expérience d’ancien assisté et de nouvel EM. Après l’agrément de la Commission, le coût du jumelage, de l’ordre de 0,9 M€ en moyenne, est intégralement couvert par le budget de l’UE. 1300 jumelages environ ont été conclus depuis 1998 soit 1,2 Md € au total, financés sur les crédits de préadhésion (PHARE) ou les crédits de coopération extérieure (Cards pour les Balkans, Meda pour la Méditerranée).

 

            Avec 40 jumelages gagnés en 2005, la France s’en tire bien. L’appréhension du début face à une procédure « un peu stressante pour des administrations assez peu préparées à la compétition » a disparu mais l’indispensable maîtrise de l’anglais et les réticences face aux 18 mois d’expatriation dans le pays d’accueil restent des difficultés pour les Français. Pourtant aujourd’hui, tous les ministères se positionnent pour gagner des jumelages, notamment ceux de l’Agriculture, de l’Equipement et de l’Intérieur, avec chacun six à huit nouveaux jumelages par an : sur les contrôles vétérinaires, les contrôles des poids lourds (installation de tachygraphes sur les véhicules, création d’un corps d’inspecteurs), ou bien encore le contrôle des frontières (fichiers communs des personnes recherchées, des oeuvres d’arts et des véhicules volés…).

 

            La Commission se félicite de son œuvre de pionnière et l’expérience des jumelages est toujours enrichissante. Mais l’enjeu dépasse la seule réussite technique. Pour les EM, les jumelages permettent aussi de constituer des réseaux, car les personnels qui se sont côtoyés se retrouvent par la suite dans les cercles de discussion européens, une façon de « s’assurer d’alliés potentiels dans les futurs conseils européens », comme l’affirme un peu naïvement le site du ministère de l’Equipement.


Mots clés : jumelage
Source : Le Monde
Date : 26/09/2006

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.