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L'aide aux victimes de la mondialisation

L’aide européenne aux victimes de la mondialisation
 
 
En octobre 2007, la France a été, non sans mal, le premier bénéficiaire du fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM). La création de ce fonds en décembre 2006 avait été au coeur d’une controverse économique et politique sur le rôle de l’Union européenne (UE) dans la gestion des effets de la mondialisation. Sans nier les difficultés sociales et locales parfois induites par la libéralisation des échanges, était-ce aux Etats ou à l’UE, de prendre en charge « les coûts d’ajustement » des secteurs les moins compétitifs et d’assurer ce « devoir de réparation ? Ce clivage opposait deux rivaux historiques - le Royaume Uni et la France-, et deux cohérences - la compétitivité et la solidarité.
 
Le règlement communautaire organisant le FEM est une synthèse entre les deux positions. Le principe de ce fonds est une victoire française. Le FEM intervient « lorsque des modifications majeures de la structure du commerce international conduisent à une perturbation économique grave notamment une hausse substantielles des importations dans l’UE ou un recul rapide de la part de marché de l’UE dans un secteur ou une délocalisation vers des pays tiers ». Le FEM finance « les mesures actives » du marché du travail comme la formation professionnelle, et non les mesures passives telles que les allocations chômage. L’aide européenne n’apporte pas d’indemnisation supplémentaire mais vient en remboursement partiel des dépenses effectuées par l’Etat. 500 millions d’euros sont prévus dans le budget communautaire.
 
En revanche, les conditions d’application sont suffisamment restrictives pour donner satisfaction aux plus libéraux. Ce fonds ne peut être mobilisé qu’en cas de licenciements massifs touchant plus de 1000 salariés. L’Etat demandeur doit établir le lien avec la mondialisation et « la nature imprévue de ces licenciements ». Enfin, la procédure est lourde puisque la Commission instruit les demandes, mais l’aide est décidée par l’autorité budgétaire, le Parlement européen (PE) et le Conseil, qui reste donc maître des attributions.
 
L’application en cas de délocalisation intracommunautaire n’est pas formellement écartée mais reste douteuse. En 2004, le projet de M. Nicolas Sarkozy d’exclure du bénéfice des fonds structurels les pays qui pratiquaient le dumping fiscal avait suscité une vive émotion chez les nouveaux Etats membres, implicitement visés par cette initiative. Pourtant, le sujet n’est plus tabou puisque le PE, en mai 2007, a voté une résolution visant à supprimer ces fonds aux entreprises qui procédaient aux délocalisations, y compris au sein de l’UE.
 
En mars 2007, la France a présenté un dossier concernant deux sociétés du secteur automobile. Entre 2001 et 2005, la part de l’Europe parmi les constructeurs a reculé de 4 points au bénéfice de l’Asie, nouveau n°1 mondial, dont les exportations en Europe ont augmenté de 27 %, notamment sur les véhicules d’entrée de gamme, créneaux traditionnels des constructeurs français. Deux sous traitants de Peugeot et Renault, spécialisés dans la tôlerie et les textiles pour sièges de voiture, ont été mis en liquidation judiciaire. L’Etat a aidé au reclassement de 895 personnes.
 
Les Etats qui s’étaient opposés au principe du FEM ont « rejoué le match » et se sont opposés au dossier français, considérant que la Commission manquait de rigueur dans l’appréciation des critères d’éligibilité et que l’effet de la mondialisation sur les difficultés des sociétés n’était ni imprévisible ni supérieur à celui du niveau de l’euro.
 
La France a eu gain de cause. L’aide européenne se monte à 3,8 millions d’euros soit 4264 euros par emploi, un montant de moitié inférieure à l’estimation annoncée au moment de la création du fonds. L’argumentation de la France, évoquant la crédibilité de l’UE, a sans doute moins pesé que le soutien de la Finlande, de l’Italie et de l’Allemagne, d’autant plus motivés qu’ils devraient à leur tour présenter des dossiers pour un montant estimé à 40 millions d’euros…


Mots clés : mondialisation, délocalisation, aide européenne, FEM, aides à l'emploi
Source : Le Monde éco décembre 2007
Date : 04/01/2008

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.