FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

Les dispositions budgétaires du traité de Nice

Les enjeux budgétaires de la conférence intergouvernementale


L’extension des cas où le Conseil statue à la majorité qualifiée, prévue par le futur traité de Nice, est souvent présentée comme un moyen d’améliorer le fonctionnement de l’Union européenne et de préparer les futures adhésions. Les aspects budgétaires ne sont pas prioritaires dans cette négociation mais la question intéresse -préoccupe- néanmoins les spécialistes.

- Les conséquences limitées de l’extension des votes à la majorité qualifiée

A priori, l’extension de la procédure d’adoption des actes à la majorité qualifiée du Conseil (aujourd’hui 62 voix sur 87) ne devrait guère avoir d’incidence budgétaire. Pour la simple raison, que dans le domaine budgétaire, pratiquement tout ce qui pouvait être voté à la majorité qualifiée l’est déjà, et que ce qui ne l’était pas hier ne le sera pas davantage demain.

Depuis l’origine, le budget est voté par le Conseil à la majorité qualifiée. Le budget a même été longtemps l’un des seuls actes communautaires à être voté de cette façon, seul moyen d’éviter la paralysie. La règle a été adaptée lorsque le Conseil a partagé le pouvoir budgétaire avec le Parlement européen (PE). Ainsi, le projet de budget est adopté par le Conseil à la majorité qualifiée, avant d’être soumis au PE. Les amendements et propositions de modifications apportées par le PE sont adoptés ou rejetés à la majorité qualifiée du Conseil, selon les dépenses et leur incidence sur le montant du budget.

Dans le domaine budgétaire, la pratique des votes est très courante. S’il y a assez peu de votes des ministres dans les Conseils eux mêmes, c’est simplement parce que les votes ont eu lieu avant, au niveau du Comité des représentants permanents ou au cours des réunions préparatoires entre services. Seules les décisions majeures sont arbitrées par le Conseil. Le vote permet d’exprimer des positions et la majorité qualifiée permet d’avancer. En juillet dernier, l’Allemagne a voté contre le projet de budget 2001 pour dénoncer le poids des dépenses agricoles. Minoritaire, le vote n’a pas eu de conséquence. En septembre, une majorité qualifiée du Conseil a rejeté une lettre rectificative au budget 2001 présentée par la Commission, visant à autoriser le recrutement de 400 fonctionnaires supplémentaires.

Pendant longtemps, la majorité qualifiée ne s’est appliquée qu’au budget annuel, tandis que les décisions financières qui programmaient les dépenses sur plusieurs années, restaient soumises à l’unanimité. La procédure du vote à la majorité qualifiée s’est cependant étendue avec les traités de Mastricht et d’Amsterdam. C’est le cas du programme cadre de recherche développement (PCRD) ou des réseaux transeuropéens, décidés à l’unanimité jusqu’en 1992.

La majorité qualifiée pourrait encore mordre sur quelques compétences encore soumises à l’unanimité. Cinq articles sont concernés (mesures d’appui dans le domaine de la culture et de l’industrie, règlement financier...). Seul, l’article sur les règles applicables aux fonds structurels et au fonds de cohésion, pourrait donner lieu à controverses. Mais les principales décisions financières restent prises à l’unanimité. Car le budget annuel de l’Union, adopté par le Conseil et le PE, s’insère dans des cadres fixés par d’autres, à l’unanimité. C’est vrai pour les recettes, puisque le choix des ressources du budget (droits de douane, TVA et ressource PNB) est une décision du Conseil à l’unanimité (art. 269). La faire passer à la majorité qualifiée ne servirait d’ailleurs à rien puisque la décision doit être approuvée par les Parlements nationaux. Le refus de l’un d’eux (d’un Etat qui aurait été mis en minorité au Conseil) suffirait à bloquer la décision. C’est vrai aussi pour les dépenses, puisque depuis 1988, le budget annuel s’inscrit dans des «perspectives financières» qui donnent l’évolution des plafonds de dépenses par grandes masses (dépenses agricoles, structurelles...), et qui, elles, sont décidées par le Conseil européen (le Conseil européen de Berlin en mars 1999 a programmé près de 650 milliards d’euros sur la période 2000/2006). Or, la majorité qualifiée ne s’applique pas au Conseil européen. La règle, non écrite, y est celle du consensus, qui n’est autre que l’unanimité sans vote. Pour ces décisions, le passage à la majorité qualifiée est encore impensable. Tant en raison de leurs enjeux budgétaires, que parce qu’il remettrait en cause ce qui reste du pouvoir des Parlements nationaux et le rôle d’impulsion du Conseil européen.

- Les conséquences de la nouvelle pondération des voix

La pondération des voix soulève d’autres inquiétudes. Actuellement, la pondération s’échelonne entre 2 voix (Luxembourg) et 10 voix (Allemagne, France, Italie, Royaume Uni). Aucun des critères habituels de représentation ne s’applique : ni la démographie, même s’il s’agit du critère le moins mal respecté, ni la richesse, encore moins la part dans le financement du budget. Les différents élargissements et l’absence d’adaptation des pondérations d’origine aux évolutions économiques ont conduit à des déséquilibres tant entre les grands Etats et les petits (l’Allemagne compte autant de voix que la Grèce et le Portugal réunis pour un PIB et une part dans le financement du budget 10 fois supérieurs), qu’au sein de chaque catégorie (le Danemark ne compte qu’une voix de plus que le Luxembourg).

Jusqu’en 1986, deux grands Etats pouvaient constituer une minorité de blocage. Depuis 1986, il en faut trois. Avec le futur élargissement, quatre Etats seraient nécessaires, ce qui reviendrait à laisser la décision aux mains des « petits Etats ». Dores et déjà, dans le domaine budgétaire, les grands Etats contributeurs peuvent être mis en minorité par une coalition de petits Etats d’autant plus enclins à voter une décision qu’ils n’en supportent pas le fardeau financier. L’Allemagne, la France et le Royaume Uni comptent à eux trois 54% de la population des Quinze, détiennent 59% du PIB total, financent 56% du budget, mais ne totalisent que 30 voix sur 87. Ils ne sont pas en mesure d’imposer une décision, mais peuvent s’y opposer s’ils font bloc. Le nouvel élargissement pourrait les « dissoudre » dans la masse et les transformer en simples observateurs, attendant de payer la facture.

Deux solutions sont envisagées. La première est celle de la double majorité qui combinerait la majorité des voix et des populations représentées. La seconde est celle de la repondération des votes. Les budgétaires se contentent de rappeler qu’ » il y a toujours un risque lorsque les décideurs ne sont pas les payeurs ».


Mots clés : vote, pondération des voix, majorité qualifiée, unanimité, budget, perspectives financières, Conseil, Parlement européen
Source : Le Monde
Date : 06/02/2001

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.