FINANCES DE L'EUROPE - Tout savoir sur le budget de l'Europe

Les dispositions budgétaires de la Constitution européenne

Les dispositions budgétaires du projet de constitution européenne


Face aux projets phares des conventionnels (un président du Conseil permanent, un ministre des affaires étrangères…), les questions d’intendance paraissaient évidemment dérisoires, au point d’être parfois occultées. Parmi les douze groupes de travail mis en place dès octobre 2002, aucun ne concernait les finances de l’Union, débattues au sein de simples « cercles de discussion », créés en mars 2003 et réunissant une trentaine de membres « inégalement motivés par le sujet », selon l’expression d’un des participants. Pourtant, les enjeux étaient de taille, qu’il s’agisse de dossiers récurrents ou de défis nouveaux induits par l’élargissement.

L’une des missions de la Convention était de simplifier. Le projet regroupe l’ensemble des dispositions budgétaires jusque là dispersées entre le traité, des décisions du Conseil et des accords tripartites entre le Conseil, le parlement européen (PE) et la Commission. Mais la simplification s’est heurtée à la nature hybride du texte proposé, à la fois traité et constitution, c’est dire guide pratique et référent. Ainsi les dispositions budgétaires, éclatées entre deux parties, sont parfois ambiguës ou redondantes. Seule, la procédure d’adoption du budget annuel est simplifiée.

Concernant les recettes, la question de fond était : oserait-on l’impôt européen ? La réponse est non. Actuellement, les recettes de l’Union, dites « ressources propres », sont en réalité des prélèvements sur les recettes fiscales des Etats membres. Le système est opaque. L’impôt européen, destiné au financement du budget de l’Union (100 milliards d’euros) est un enjeu politique et financier, une suite logique de la monnaie unique et un élément de transparence. L’Allemagne et la France étaient plutôt favorables à un système mixte mêlant impôt européen et contributions nationales, sans en faire un cheval de bataille, et se sont ralliées à la majorité, peu disposée à ce pas explicite vers le fédéralisme. Le système restera donc en l’état.

Les modifications concernent les mécanismes de décision. Jusqu’à présent, tout ce qui concerne les recettes est décidé par le Conseil à l’unanimité avec simple consultation du PE, à l’exception du montant annuel à prélever, égal aux dépenses votées par le Conseil et le PE. Quelles sont les corrections proposées ? Les décisions majeures ne changent pas. La création de nouvelles recettes et le plafond des ressources de l’Union (aujourd’hui limitées à 1,24% du revenu national communautaire) resteront déterminées à l’unanimité du Conseil et devront être approuvées par les Etats membres. Le PE sera seulement consulté. Unanimité au Conseil (à 25) et ratifications nationales garantissent le verrouillage du système. Pas de changement non plus sur le montant annuel des recettes qui s’ajuste automatiquement au montant des dépenses. En revanche, les procédures sur les modalités des ressources, c’est à dire les règles d’assiette, de taux, et toutes les adaptations, sont modifiées. L’unanimité au Conseil est remplacée par la majorité qualifiée et la décision sera partagée entre le Conseil et le PE. Ces nouvelles dispositions permettront d’associer le PE au volet recettes du budget et faciliteront la réforme des mécanismes de correction notamment le « chèque britannique » qui réduit leur contribution. Inutile de préciser que le Royaume-Uni, jusque là protégé par la règle de l’unanimité, souhaite conserver cette garantie. Une solution de compromis serait de soumettre ces questions à la « majorité super qualifiée » qui imposerait l’accord d’Etats représentant 80% de la population.

Concernant les dépenses, deux changements majeurs interviennent. Le premier concerne le cadre financier pluriannuel. Ce cadre constitue la clef de voûte du système financier de l’Union car il fixe pour au moins cinq ans les plafonds annuels de dépenses classées par grandes catégories. Il était jusque là décidé par le Conseil européen, c’est à dire par les chefs d’Etat et de gouvernement, puis formalisé par un accord interinstitutionnel entre le Conseil, le PE et la Commission qui laissait peu de place à la négociation puisqu’il intervenait après un accord politique au sommet. Dans le projet constitutionnel, ce cadre pluriannuel rentre dans le droit commun et suit une procédure plus classique. Il sera adopté par le Conseil à la majorité qualifiée après approbation du PE. Toutefois, compte tenu de l’importance des enjeux financiers (au minimum 550 milliards d’euros sur cinq ans), les conventionnels ont prévu que le prochain cadre pluriannuel qui doit démarrer en 2007, sera encore décidé à l’unanimité.

La seconde modification concerne la procédure budgétaire annuelle. Le budget sera désormais adopté après une seule lecture au Conseil et au PE, au lieu de deux. En cas de désaccord, un comité de conciliation, paritaire, sera chargé d’approuver un projet commun. A défaut d’accord, le PE reprendra sa version, à la majorité des 3/5. Cette procédure s’apparente à celle des commissions mixtes paritaires (CMP) entre l’Assemblée nationale et le Sénat, qui laisse le dernier mot à l’Assemblée en cas d’échec de la CMP. La distinction entre dépenses obligatoires (parmi lesquelles les dépenses agricoles) et dépenses non obligatoires, qui fondait les pouvoirs respectifs du Conseil et du PE est également supprimée, ce qui, de fait, renforce le poids de ce dernier. Les dépenses agricoles, les plus menacées par cette nouvelle règle, ont été cependant garanties jusqu’en 2013 par le Conseil européen et restent protégées ultérieurement par une sorte de clause de sauvegarde.

Dans l’ensemble, le pouvoir du PE est beaucoup accru par ces modifications. Notre perte d’influence au sein du PE n’en est que plus préoccupante.


Mots clés : Convention, Constitution européenne, budget, procédure budgétaire, ressources propres, impôt européen, DO, DNO, Conseil, Parlement européen, perspectives financières, correction britannique
Source : Le Monde
Date : 04/11/2003

Rubriques

Recherche


S'abonner & partager

A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.