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La Grèce, les PIGS, et l'argent de l'Europe

La Grèce, les PIGS, et l’argent de l’Europe.
 
 
 
Un seul mot suffit à montrer l’évolution d’une époque. Jusqu’en 2004, le Portugal, l’Irlande, la Grèce et l’Espagne, étaient désignés « les pays de la cohésion », car ils bénéficiaient du fonds de cohésion, un fonds d’aide réservé aux pays les moins prospères de l’Union européenne (UE) à Quinze, dont le revenu par habitant était inférieur à 90 % de la moyenne communautaire. Et puis la crise est passée par là. Le temps de la solidarité est révolu. En 2010, les pays de la cohésion sont devenus les PIGS – avec S pour Spain-. Une délicate attention « d’origine anglosaxone » à l’égard de pays en difficultés. Les Pigs, qui ont trop de dettes pour la rembourser, sont devenus des fardeaux qui plombent la zone euro et lui font porter le risque de l’éclatement.
 
Une belle aubaine pour le Royaume Uni qui va suivre avec attention les difficultés de l’eurogroupe à soutenir l’un des leurs, et qui pourrait même lui être utile pour préparer la prochaine négociation du cadre financier pluriannuel européen.
 
Car les PIGS ont été longtemps les quatre pays les plus budgétivores de l’UE. L’Irlande est sortie du lot mais la Grèce reste largement soutenue par les fonds européens. En vingt ans de fonds structurels (1989-2008), la Grèce a bénéficié de 80 milliards de crédits communautaires (en € actualisés), soit 4 milliards par an, 364 € par an et par habitant ou bien encore 1 € par jour et par habitant, le double des aides en direction de l’Espagne. En dix ans, depuis la création de l’euro, les dépenses communautaires totales en Grèce ont atteint 69 milliards, soit, déduction faite de la contribution du pays au budget communautaire, un solde net de 50 milliards d’euros. La Grèce a été le premier bénéficiaire des fonds communautaires sans que l’UE exerce une vigilance excessive à l’égard de leur gestion. Dans les années 90, la Cour des comptes européenne dénonçait périodiquement « les évaluations défaillantes » des statistiques du PNB, avec des erreurs d’estimation supérieures à 20 %, ou bien « les retards inacceptables » dans les contrôles des aides à la filière oléicole. L’UE fermait les yeux sur cet Etat de la périphérie européenne, économiquement mineur et trop éloigné des grandes ambitions européennes de l’époque.
 
Mais ces chiffres expliquent l’embarras des Etats membres à l’approche de la grande négociation budgétaire. Car deux options sont envisageables. La première est la poursuite des financements communautaires. Une solution simple mais qui n’enthousiasme guère l’Allemagne, dont les réticences à l’égard du soutien grec sont moins juridiques, comme ils le prétendent, que budgétaires. Par le jeu des vases communicants entre contributeurs et bénéficiaires, l’Allemagne, principal financeur du budget communautaire, a versé en moyenne près de 2 milliards par an à la Grèce soit 24 € par Allemand. C’est assez, semble dire l’Allemagne. La crise grecque est également embarrassante pour France. Car les PIGS, qui sont aussi des pays agricoles, sont des alliés potentiels dans la grande renégociation de la politique agricole commune (PAC). Sauf que, s’il leur fallait -ou plutôt, quand il leur faudra- arbitrer entre fonds structurels et PAC, les quatre pays n’hésiteront pas une seconde... et lâcheront la France.
 
La deuxième solution serait de réduire les fonds structurels. Cette crise ne montre-t-elle pas aussi l’inanité des subventions européennes versées trop longtemps par milliards aux pays de l’UE ? Les fonds structurels européens sont d’excellents accélérateurs de croissance qui rassurent les populations, les régions et les marchés, qui ont un effet de levier sur les investissements privés et publics qui ne seraient pas financés facilement sans l’aide européenne (les réseaux d’assainissement par exemple), mais ils ne doivent pas être prolongés à l’excès. Les fonds structurels sont là pour impulser, pas pour assister indéfiniment. Il faut savoir arrêter les subventions européennes et mieux sélectionner les bénéficiaires.
 
Depuis toujours, le Royaume uni plaide pour concentrer les aides structurelles sur les plus pauvres de l’UE (ce qui n’est plus le cas de la Grèce) et sur les derniers entrants des deux élargissements de 2004 et 2007. Cette crise vient à point nommé pour le Royaume Uni qui proposera cette concentration et, surtout, demandera de ne pas faire porter aux Vingt-Sept, la charge de la crise des Seize de l’Eurozone. Malgré leur humour déplacé, les Britanniques pourraient, une fois encore, gagner. Pièce après pièce, l’échiquier de la grande négociation budgétaire se met en place.


Mots clés : Grèce, fonds structurels, soldes nets, fonds de cohésion
Source : La Tribune 17 février 2010
Date : 17/02/2010

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.