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La Belgique et le budget de l'UE

La Belgique et le budget de l’UE
(Bruxelles, la discrète).



La Belgique exerce jusqu’au 31 décembre 2001 la présidence de l’Union. Une présidence discrète. Une discrétion qui se transforme en mutisme lorsqu’il s’agit d’aborder les relations financières entre la Belgique et le budget communautaire.

En participant dès le départ à la construction européenne, la Belgique a trouvé un rôle et un poids politique sans commune mesure avec son importance économique. Deux dispositions peuvent même être considérées comme des privilèges : Bruxelles accueille le siège de la Commission européenne et bénéficie d’une pondération des voix au Conseil particulièrement favorable. Depuis 1957, elle dispose de la moitié des voix attribuées à l’Allemagne, pour une population, un PNB et une part dans le financement du budget communautaire aujourd’hui de huit fois inférieurs. Dans ce contexte, l’analyse budgétaire est secondaire.

La Belgique, partenaire budgétaire mineur de l'UE

La Belgique est un partenaire budgétaire mineur de l’Union. Avec les élargissements successifs, sa part dans le financement du budget a décru régulièrement, de 7,9 % à l’origine, 6% de la CEE à Neuf, 4,4% de l’Europe des Douze, 3,9% aujourd’hui. Une part d’ailleurs artificiellement gonflée par l’effet dit « Rotterdam/ Anvers », puisque le port belge est un point d’entrée privilégié des importations européennes ce qui entraîne par conséquent la perception de droits de douane, comptabilisés en provenance de Belgique alors qu’il s’agit de recettes purement communautaires. En 2000, sa contribution au financement du budget communautaire se monte à 3, 39 milliards d’euros dont 1,25 milliards de droits de douane.

Compte tenu du poids des dépenses agricoles dans le budget communautaire, sa part dans les dépenses européennes est plus modeste encore, entre 3 et 4% des dépenses opérationnelles (non administratives) jusqu’au milieu des années 90, autour de 2,7% aujourd’hui. En 2000, ces dépenses opérationnelles se montent à 1,96 milliards d’euros. La Belgique se trouve donc sur le strict plan financier dans une situation apparemment très défavorable. En 1988, la Belgique est même devenue le pays proportionnellement le plus débiteur du budget communautaire avec un taux de retour d’à peine 44%. Un déficit que ne vient pas combler les avantages commerciaux de la construction européenne puisque l’impact du marché commun sur ses échanges avec ses partenaires a été le plus faible des Etats membres, avec une augmentation des échanges d’à peine 50% contre une augmentation de 120% pour la France par exemple.


A partir des années 90, pourtant, la Belgique remonte progressivement son handicap. D’une part, les bouleversements à l’Est vont donner une formidable impulsion aux exportations agricoles communautaires encore massivement subventionnées. Les subventions aux exportations belges (céréales et produits laitiers) triplent alors en deux ans, pour atteindre près de 1 milliard d’écus. D’autre part, tandis que l’élargissement de 1986 aux pays du sud aurait pu être fatal à la Belgique, c’est le contraire qui se produit. La Belgique réussit fort adroitement à s’insérer dans la nouvelle la dynamique communautaire liée à la politique structurelle. Bien qu’aucune de ses régions ne réponde strictement aux critères d’éligibilité aux aides en faveur des régions en retard de développement, principal objectif des fonds structurels, la Belgique invoque les « raisons particulières» et parvient à classer le Hainaut parmi les régions bénéficiaires. 1880 millions d’euros seront ainsi versés au titre des fonds structurels, tous objectifs confondus, entre 1994 et 1999. Ainsi, peu à peu, le déséquilibre budgétaire de la Belgique vis a vis du budget communautaire se réduit. En 2000, le solde net négatif est de 1430 ou 204 millions d’euros - selon que l’on compte ou non les droits de douane parmi les ressources versées par la Belgique-, soit un taux de retour de 57% ou 90%.

Quel que soit le solde, la Belgique n’a cependant jamais contesté sa position, toute discussion sur le juste retour étant considérée comme politiquement incorrecte et non compatible avec la construction communautaire, passée avec l’euro, il est vrai, à une autre dimension.

L'importance des dépenses administratives

Mais si la Belgique reste discrète, c’est surtout parce qu’elle ne souhaite pas débattre d’un autre chiffrage qui circule en coulisse. Car la clé de son silence est ailleurs, ou plutôt en son sein. En effet, les estimations courantes actuelles partent d’une évaluation des seules dépenses opérationnelles, ce qui exclue pour la Belgique, ce qui compte vraiment : les dépenses administratives. Ces dépenses représentent 6% du budget communautaire (4 milliards d’euros en 2000) mais près de 60% % (soit 2,4 milliards d’euros) se font en Belgique. Ainsi, plus de la moitié des dépenses communautaires en Belgique sont des dépenses administratives. En prenant en compte ces dépenses, sciemment occultées, la position de la Belgique s’inverse. De débitrice vis a vis du budget communautaire, elle devient largement créditrice avec un taux de retour de 200%. Sur les 33 370 personnes travaillant pour les institutions communautaires, 22 912, soit plus des deux tiers, sont en Belgique, auxquels s’ajoutent les personnels des représentations des Etats auprès de la Commission, de 10 à 15.000 lobbyistes permanents, dépêchés par les consultants, les entreprises, les syndicats de toutes sortes, pour suivre les projets de directives européennes, ainsi que tous les visiteurs temporaires. L’ensemble génère évidemment beaucoup d’activité et une injection de pouvoir d’achat, d’autant plus importante qu’elle est concentrée dans une seule ville : Bruxelles.

Une concentration qui n’est pas sans effet pervers. Ainsi, les professionnels de l’immobilier considèrent que Bruxelles reste la capitale la moins chère de l’Europe pour les bureaux (trois fois moins chère que Paris par exemple) mais admettent que le prix des logements a été entraîné à la hausse par cet afflux massif de personnels à haut pouvoir d’achat. « Bruxelles est une ville bon marché pour les étrangers mais devenue chère pour les belges » et beaucoup de Bruxellois écartés du centre, vivent désormais en banlieue. Autre inconvénient, les dépenses de sécurité à la charge de la ville ou de l’Etat belge seraient très importantes. Et pour cause : outre la sécurisation des déplacements officiels, on compterait à Bruxelles en moyenne une manifestation par jour…


Mots clés : Belgique, Bruxelles, retours, dépenses administratives, fonctionnement, fonctionnaires, lobbyes
Source : Le Monde
Date : 27/11/2001

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.