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L'Autriche et le budget de l'UE

L’Autriche et le budget de l’Union


Voilà exactement cinq ans que l’Autriche a rejoint l’Union européenne. Une période suffisante pour tenter de dresser un premier bilan budgétaire en comparant ce qui était attendu et ce qui est advenu. Contrairement à l’adhésion de l’Espagne et du Portugal en 1986 qui avait suscité quelques craintes, notamment de la part des agriculteurs français, l’élargissement de 1995 s’est déroulé sans appréhension. Et pour cause : l’Autriche s’engageait à respecter l’acquis et les politiques communautaires, pratiquement sans restriction ni aménagement. L’Autriche s’engageait à verser intégralement sa contribution au budget communautaire dès la première année et renonçait à disposer d’un mécanisme de montée en puissance comme cela avait été le cas pour les trois élargissements antérieurs (1973, 1981 et 1986). Enfin, l’Autriche allait être un contributeur net au budget communautaire, ce qui signifie que sa contribution serait supérieure aux dépenses communautaires qu’elle recevrait en retour.

On peut dire que sur ce point l’Autriche n’a pas déçu. Tout s’est déroulé comme prévu. Le contrat a été rempli, au bénéfice des deux parties.

Sur le plan budgétaire, l’Autriche est un acteur mineur de l’Union. La part de l’Autriche dans le financement du budget communautaire 2000 est de 2,25 milliards d’euros soit 2,6% du total. Mais dès son adhésion, le pays pu bénéficier des potentialités qui étaient offertes, en particulier la politique agricole commune (PAC) et les politiques structurelles .

Le respect de l’acquis communautaire supposait tout d’abord d’appliquer les mécanismes de la PAC, fut-ce au prix d’une diminution sensible des prix intérieurs, donc des revenus agricoles autrichiens. Cette baisse de revenus a été prise en charge par une « une compensation agri budgétaire » de la Communauté (795 millions d’écus entre 1995 et 1998), qui s’est ajoutée aux aides directes de la PAC (3 milliards d’écus entre 1995 et 1998), assurant ainsi une transition agricole sans heurt particulier.

L’Autriche a su également tirer parti de la politique structurelle en devenant éligible à tous les objectifs sans exception, y compris les plus improbables. L’Autriche a notamment bénéficié des crédits réservés aux régions en retard de développement (au profit du Burgenland, à l’Est du pays). Belle réussite pour un pays qui a un PIB par habitant parmi les plus élevés de l’Union. Elle a même reçu des aides à la pêche. Un soutien symbolique (2 millions d’écus en quatre ans) mais révélateur. Un pays qui, dès la première année de son adhésion, parvient à faire cofinancer par l’Union ses aides à l’élevage des carpes, témoigne d’une réelle aptitude à la négociation communautaire et d’une parfaite maîtrise des mécanismes de financements européens. L’Autriche a également bénéficié de neuf des treize initiatives communautaires, principalement du programme Interreg permettant de financer des opérations conjointes avec ses voisins d’Europe centrale. Au total, entre 1995 et 1999, 3 millions d’autrichiens, soit 40% de la population, auront bénéficié des fonds structurels pour un montant de 1,64 milliards d’écus. L’Autriche est non seulement éligible à tous les objectifs mais le taux d’exécution des programmes est parmi les meilleurs de l’Union. Bonne programmation, bonne exécution, l’Autriche est sur le plan budgétaire, un membre exemplaire. L’Autriche a maintenu son éligibilité aux nouveaux objectifs définis dans la programmation 2000/2006. Elle devrait recevoir 1,92 milliards d’euros sur la période, tous fonds et initiatives communautaires confondus.

Le traité d’adhésion prévoyait en outre un « mécanisme financier » temporaire qui consistait à faire prendre en charge par le budget européen certaines dépenses régionales qui auraient du être financées par l’Autriche au titre de l’accord de 1992 sur l’Espace Economique Européen (EEE) entre la Communauté et l’Association Européenne de Libre Echange (AELE) à laquelle adhérait l’Autriche avant 1995.

Une batterie d’aides qui ne s’est cependant pas faite au détriment du budget de l’Union puisque, comme prévu, l’élargissement à l’Autriche a bien été « une bonne affaire budgétaire » pour l’Union, selon l’expression du sénateur Serge Vinçon, rapporteur du traité d’adhésion. Entre 1995 et 1998, le solde entre sa contribution brute au budget communautaire et les dépenses induites ou dont elle a bénéficié en retour, fait apparaître une contribution nette de 650 millions d’écus en moyenne annuelle. Ce solde devrait se creuser à l’issue des aides temporaires, pour atteindre, selon une évaluation autrichienne, 950 millions d’Euros en 1999, soit 42% de sa contribution brute. Une charge suffisamment importante pour que l’Autriche obtienne au Conseil européen de Berlin, en mars 1999, un abattement de sa part dans le financement du rabais consenti au Royaume Uni, ce qui représentera une économie de 94 millions d’Euros.

Quand on parle de « sanction financière » - le mot a été évoqué en Belgique,- sous forme d’un arrêt des versements, de contrôles plus pointilleux ou des réticences à accorder des crédits encore en négociation, l’Ambassadeur d’Autriche à Paris s’étonne, puisque son pays est déjà contributeur net, puis s’irrite. « Nous n’avons pas l’intention de répondre à des petitesses par des mesquineries». L’Autriche veut être considérée comme un partenaire sérieux qui respecte ses engagements et qui attend que ses partenaires respectent les leurs.

La tension budgétaire paraît exclue. Reste le débat sur les droits de trafic routier. En 1995, l’Autriche a souhaité maintenir les restrictions à la circulation des poids lourds sur son territoire, qu’elle avait obtenues au moment de l’accord sur l’EEE. Cet accord instaurait un système dit d’ »éco-points » pour limiter le transit routier en Autriche. Chaque pays a droit à un quota d’éco-points, mais le décompte est fait par camion (de 4 à 16 points) au moment du transit en fonction de la pollution qu’il émet. Le système pénalise surtout les transits nord-sud (Allemagne - Italie). Sur un trafic est-ouest, entre la France et la Hongrie par exemple, le contournement de l’Autriche représente un surcoût de 1200 francs par trajet. Ce système est en vigueur jusqu’en 2004. L’essor du trafic avec l’Europe de l’Est est telle que la renégociation s’annonce dores et déjà difficile.


Mots clés : Autriche, budget communautaire, retours, solde net, élargissement 1995, AELE
Source : Le Monde
Date : 21/03/2000

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A propos

Nicolas Jean-BrehonParce que la construction européenne a un immense besoin de pédagogie, que celle ci est aujourd'hui mal assurée, et que chacun conviendra que toutes les initiatives pour y remédier sont bienvenues;
- Parce que les formations européennes notamment en finances publiques sont rares, et que l'information officielle est souvent complexe ou partiale;
- Parce que 20 ans d'expérience sur ces questions, en tant que haut fonctionnaire parlementaire, puis en tant qu'enseignant en finances publiques et chroniqueur budgétaire au Monde de l'économie, me conduisent à penser que l'opinion publique s'éveille et commence à s'intéresser à ces sujets;
- Parce que les ouvrages et articles dans ce domaine sont rares et qu'il m'a paru intéressant de regrouper les informations éparses.