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le vin français, victime de la mondialisation

Le vin français perd des parts de marché à l'extérieur, face à la concurrence des vins du nouveau monde. Pendant 20 ans, l'OCM vins de l'UE a accompagné la restructuration du vignoble européen mais l'UE semble désarmée face au nouveau défi mondial et les filières de la viticulture se font la guerre au lieu de réagir ensemble.

Rubrique: DEPENSES AGRICOLES

mots clés: vin, viticulture, vin de pays, vins de terroir, OCM vin, arrachage, distillation, nouveau monde, AOC, mondialisation, concurrence mondiale, publicité sur le vin

Le vin français, victime de la mondialisation


Le retour de la publicité sur le vin est une réponse décalée et dérisoire au malaise du milieu viti vinicole français. Pour une raison simple : la publicité ne pourrait, au mieux (ou au pire ?) avoir un effet que sur les consommateurs nationaux, alors que le problème des viticulteurs est lié à l’exportation. En quatre ans, la part de la France dans les exportations mondiales a chuté de cinq points, tandis que les concurrents dits du nouveau monde (Etats unis, Argentine, Chili, Australie, Afrique du Sud) en gagnaient six. La France, premier exportateur mondial, et les cinq sont aujourd’hui à égalité avec 20 % des exportations mondiales. Le vin français, désormais concurrencé sur les marchés extérieurs, supporte mal la mondialisation.

L’Union européenne peut elle être une réponse à ce nouveau défi ? Comme presque tous les produits agricoles, le vin est réglementé par une organisation commune de marché (OCM). La réglementation, l’une des plus complexes de toute l’agriculture, partage les vins en deux catégories: les « vins de table », qui concernent les vins sans indication de provenance et les « vins de pays », et les « vins de qualité » qui correspondent en France aux vins d’appellation d’origine contrôlée -AOC-. Les règles techniques de production (sur l’enrichissement, la distillation…) s’appliquent à toute la profession, mais les aides budgétaires, de l’ordre de 1,3 milliards d’euros par an en moyenne, ne concernent que les vins de table. Le Champagne et le Beaujolais par exemple, ne reçoivent pas d’aide européenne!

La crainte d’une surproduction a toujours été l’obsession communautaire, surtout après l’adhésion de l’Espagne, qui possède le plus grand vignoble du monde. Le premier objectif des aides a donc été de limiter les productions par des aides à l’arrachage des vignes. Entre 1988 et 1997, 2,5 milliards d’euros de « primes à l’abandon définitif » ont été dépensés en Europe à cet effet. L’autre objectif est de gérer les à-coups du marché par un dispositif classique d’interventions (aides au stockage ou à la distillation) permettant de réduire les quantités mises en vente et de garantir des revenus aux viticulteurs. L’OCM a été réformée en 1999 pour favoriser les restructurations et réduire les soutiens au marché qui avaient tendance à se transformer en aides permanentes.

Les relations entre l’UE et le milieu vinicole ont toujours été empruntes de méfiance réciproque. Pour l’UE, la vigne n’est pas une préoccupation prioritaire comparé aux trois grands secteurs de la politique agricole commune -PAC- (céréales, viande et lait), et 85% du budget consacré au vin sont absorbés par trois pays seulement (l’Espagne, l’Italie et la France). Les autres Etats membres ne sont donc guère émus par le malaise des vignerons. De leur côté, les professionnels du vin demeurent réservés face à Bruxelles. Le milieu est resté à l’écart des deux grandes réformes de la PAC de 1992 et 2002 caractérisées par le basculement des soutiens à la production vers un système d’aides au revenu. La révision de l’OCM vin de 1999 est mineure et la logique des nouvelles aides agricoles reste étrangère aux viticulteurs, attachés à la production. La politique européenne a été d’ailleurs souvent incomprise. Quelle est la légitimité à arracher les pieds de vigne en Europe alors que les concurrents plantent ? L’année même de la réforme, la Commission concluait un accord avec l’Afrique du sud comportant une aide financière de 15 millions d’euros à la filière viticole sud africaine. Une goutte d’eau budgétaire certes, mais plutôt maladroite.

Néanmoins, pendant vingt ans, l’UE a accompagné la transformation du vignoble européen. Les surfaces ont été réduites de 10 % (500.000 hectares dont 100.000 en France), même si l’arrachage a surtout concerné des vignes de faibles rendement, la production a été contenue et la restructuration du vignoble a été opérée. Pourtant aujourd’hui, une nouvelle menace se profile, tout spécialement pour la France, face à laquelle les aides européennes semblent inadaptées.

Le vin, au niveau mondial, n’est pas un secteur en crise. La consommation diminue dans les pays producteurs européens mais elle augmente presque partout ailleurs, notamment au Royaume uni et en Europe du nord. Cette hausse profite surtout aux nouveaux concurrents, qui fabriquent un vin plutôt standardisé, souvent fondé sur un cépage unique, et adapté au mode de distribution moderne. Quand un producteur américain vend du cabernet au km, parfaitement identifiable, les producteurs français proposent des centaines d’étiquettes, inadaptées aux rayons des grandes surfaces.

La situation est loin d’être dramatique. La part de la France décline sur un marché en croissance, l’un compense l’autre, mais l’évolution inquiète. Car la France paye un choix historique lorsqu’il y a trente ans, elle a privilégié les AOC et les vins de terroir (Macon, Saumur, Cahors…) aux vins de pays fondés sur le cépage (merlot, cabernet, gamay…), qui aujourd’hui se vendent mieux. La tentation des producteurs d’AOC est donc… de basculer vers les vins de pays. Face à la concurrence mondiale, la réponse française se traduit par une guerre interne entre filières, entre segments de la viticulture. Il n’y a pas de réponse collective, à l’exception des pressions pour le retour de la publicité sur le vin en France, qui ne réglera rien.



Source: Le Monde - 14/12/2004
Auteur: Nicolas-Jean BREHON




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