Le vrai coût de l’élargissement

Quel sera la coût véritable de l’élargissement sur le budget communautaire ? Jusque là, les données connues ne portaient que sur les seules années 2004 à 2006 : 40,8 milliards d’euros (prix 1999) de crédits d’engagement sur trois ans ont été décidés au Conseil européen de Copenhague en décembre 2002. Compte tenu des contributions des nouveaux Etats membres et du rythme effectif des dépenses réalisées sur place (les crédits de paiement), le coût net sera de l’ordre de 28 milliards, soit entre 8 et 10 milliards par an. Une dépense globalement raisonnable, inférieure à 10 % du budget communautaire, et accessible aux Quinze quand on la compare avec le coût de la politique agricole commune (43 milliards), ou au déficit de l’assurance maladie en France …

Mais ce chiffre donnait une idée fausse du coût réel dans la mesure où les dépenses des nouveaux adhérents sont fortement croissantes dans le temps. L’après 2007 était encore soigneusement occulté. Seule une petite partie de cette évolution était connue. Le Conseil européen de Bruxelles en juillet 2002 a programmé, année après année, l’évolution des dépenses agricoles (avec une augmentation des aides directes au revenu, par paliers de 5% puis 10 % par an). En revanche, la plus grande incertitude portait sur les dépenses de cohésion principal poste de dépenses pour les futurs membres. Le niveau de vie des nouveaux entrants étant de moitié inférieur à la moyenne communautaire, ils ont vocation à bénéficier pleinement des aides de cohésion. Combien ?

Le troisième rapport sur la cohésion, publié par la Commission, donne des indications sur le partage des crédits entre les anciens et les nouveaux Etats membres (NEM). En 2013, les NEM devraient bénéficier de 52 % de l’ensemble des crédits de cohésion soit 29 milliards d’euros. Certes, l’évaluation est calculée sur l’hypothèse d’une croissance du budget proposée par la Commission (1,24 % du PNB en 2013), un niveau qui sera en discussion. Mais même dans l’hypothèse plus rigoureuse défendue par six contributeurs nets (avec un budget stabilisé à 1% du PNB), le montant des dépenses aux nouveaux Etats ne devrait guère être différent, dans la mesure où il est vraisemblable que les dépenses aux NEM seront préservées et que les économies porteront sur d’autres postes. Ainsi, les données sont encore éparses, mais peu à peu les chiffres sortent. Les nouvelles adhésions de 2007 (Bulgarie et Roumanie) sont elles aussi insérées dans les calculs.

Une estimation peut être ainsi donnée : les dépenses liées à l’élargissement peuvent être évaluées entre 29 et 44 milliards d’euros par an entre 2007 et 2013. A partir de 2010, les nouveaux Etats membres absorberont plus du quart du budget communautaire total. Compte tenu des contributions versées au budget, le coût net peut être estimé à 31 milliards d’euros en 2013. Avec les règles actuelles, la France supporterait 20 % de ce coût, soit 6,2 milliards.

Évaluation du coût de l’élargissement aux douze nouveaux Etats membres

sur le budget communautaire

(milliards d’euros 2004)

Auteur: Nicolas-Jean BREHON enseignant les finances européennes à Paris I Sorbonne.